Julien travaille sur son article de blog depuis quelques jours. Il se tâte, ne sait pas si câest vraiment ça quâil voulait dire. Lâordre de ses pensées ne lui convient pas, le choix des mots non plus.
Greg sâest réveillé avec un mal de crâne ce matin. Câest le jour de son rendez-vous avec ses lecteurs, câest ce quâil leur a promis en toutes lettres: un billet les premier et troisième jeudi du mois. A bien y réfléchir il se demande sâil ne devrait pas retirer cette promesse écrite qui le lie un peu plus quâil ne lui est confortable. Une idée lâeffleure, et sâil publiait quand il est inspiré, quand il en a envie?
Julien part faire un tour.
Greg nâa pas envie dâécrire.
Julien revient et sây remet un peu. Cela ne vient toujours pas.
Après avoir rangé, nettoyé, tourné et retourné lâordre de ses livres dans la bibliothèque â àdéfaut dâautre chose â Greg entend sonner midi. Il a faim et nâa rien dans son frigo. Il sort et rencontre un ami par hasard, câest presque un soulagement. Ils sortent déjeuner. La discussion â plaisante â se prolonge.
Julien jette son billet dans la corbeille de son mac. Le petit bruit de papier mis en boule libère un soupir: il ne pouvait tout de même pas sortir un billet de blog aussi peu léché, ce nâest pas son genre.
La boule au ventre de Greg revient en force lorsquâil regarde lâheure. 18h. Aïë. En plus ce soir il va manger chez ses parents. Le fond dâécran de son portable le fixe sans en démordre. Dans son regard insolent il lit ¨Do the work¨, une citation de Pressfield. Il paie, embrasse son ami et rentre chez lui, un peu dépité.
Julien a repris sa nouvelle, quâil avait laissée de côté il y a quelques temps parce que ça ne sonnait pas juste, lâinspiration lâavait quitté. Làça va mieux, il peut tranquillement reprendre lâhistoire de Max làoù il lâavait laissée. Il semble ànouveau être porté par lâinspiration.
Greg sây met, il est 18h37 et il a rendez-vous à19h. Il sera en retard, pas grave ses parents le connaissent bien puisque câest eux qui lâont fait â ils ne lui en voudront pas dâarriver une énième fois en retard.
19h20, son billet est posté. Il ne lâaime pas et lâa uniquement relu pour éradiquer les fautes dâorthographes, le reste ma foi il fera avec. Il renonce àfaire la liste de toutes les choses quâil nâaime pas dans son billet. Ce sera mieux une prochaine fois.
Julien ferme son ordinateur, le billet de blog a eu raison de lui mais il a pu terminer une première version de sa nouvelle. Il est content.
Comme chaque premier et troisième jeudi du mois, un petit peloton de fans â très discrets â se retrouve sur le blog de Greg pour lire son billet. Son blog les fait tour àtour rire, lever les yeux au ciel, appuyer sur le bouton ¨partage¨, et parfois leur serre le coeur. En gros son blog et ses billets leur font du bien.
Il est 21h, le lectorat de Greg a aimé. Son billet a été partagé plusieurs fois et il a obtenu plus de petits coeurs quâaucun de ses billets jusquâici. Il se gratte la tête en avalant une tranche de bavarois aux framboises que sa mère lui a préparé avec amour.
¨Inspiration exists, but it has to find you working¨ â Pablo Picasso
Crédit dâimage: davide ragusa sur Unsplash