Pour ceux dâentre vous qui me suivent, vous avez peut-être noté un silence radio depuis lâan dernier. Ce nâest pas parce que je manque dâinspiration.
Câest parce que, afin de pouvoir avancer sur mon chemin dâauteure indépendante, je dois me pencher sur un nombre de questions liées et pas du tout à mon écriture.
Ecrire câest bien, terminer ses livres câest encore mieux, mais terminer et publier ses livres pour quâils ne soient lus que par une poignée de gens, câest triste. Se douter que dâautres lecteurs pourraient avoir plaisir à me lire, sans savoir où ils sont ni savoir comment les atteindre, câest encore plus triste. Câest devenu particulièrement apparent à la sortie de mon dernier livre, Matérialiste-minimaliste.
Jâai donc décidé de me pencher sur la question du marketing, comme on dit vulgairement, mais aussi sur un nombre non négligeable dâautres questions. Comme par exemple:
Comment accepter de poser auteure et marketing dans une même phrase, de laisser co-exister ces deux facettes?
Comment, où trouver mes lecteurs? Pas des lecteurs mais mes lecteurs. Ceux qui seront attirés par mon univers dâauteur, mes thèmes, ma plume. Ceux à qui mes écrits feront du bien, qui seront inspirés, rassurés, émus par mes mots?
Comment faire du marketing alors que la seule chose que je veux faire est écrire, que dans le fond je ne veux rien vendre à personne?
Quel canal de communication choisir, grâce auquel je pourrai trouver mes lecteurs, tout en gardant ma voix, mon intégrité, mes valeurs?
Une fois le canal trouvé, comprendre comment il fonctionne. Les règles du jeu, choses à faire ou ne pas faire selon lâobjectif. Et puis que dire? Que partager? à quelle fréquence?
Comment mâassurer dâavoir un message cohérent, et intéressant pour mes lecteurs?Comment garder mon indépendance et vie un peu farouche qui mâest si chère sur un canal où tout le monde partage jusquâà ce quâil mange?
Sachant que beaucoup de lecteurs achètent un livre pour sa couverture, comment rendre mes couvertures de livre attrayantes et fidèles à leur contenu pour transmettre en une image le fond du livre?
Comment mâassurer que lâintérieur du livre sera ensuite à la hauteur du design intérieur et extérieur de mes livres après leur relooking?
Où trouver les gens qui mâaideront à réhausser la barre sur le dedans et le dehors de mes écrits?
Où vendre mes livres? Amazon câest bien mais tout le monde nâa pas une liseuse Kindle ou un compte Amazon. Quelles sont les autre alternatives (et croyez moi, elles foisonnent!)?
Comment optimiser les mots clés pour que les lecteurs intéressés par les sujets que je traite trouvent mes écrits?
Comment font les autres? De qui puis-je mâinspirer?
Câest ainsi que depuis des mois, je nâécris plus, ou presque. Sans pourtant quâun jour ne passe avec autre chose que lâécriture au centre de mes préoccupations. Câest très curieux.
Un séminaire Instagram par ci, la relecture de mes notes de cours dâécriture par là , des discussions avec des relectrices, des designers. Des réflexions sans fin sur ce que je me veux, ce que je veux à mon écriture, ce que je veux à Instagram. Et des heures des heures et des heures passées sans écrire. Câest dur. Et en même temps afin dâaméliorer ce que jâoffre à lire, je sais que je suis sur la bonne route.
Mais sérieux plus dâune fois je me suis demandé: au fond Virginie, es-tu en train dâessayer de devenir auteure, ou spécialiste marketing. Et la réalité pour les auteurs indépendants de nos jours, et bien câest un peu des deux je crois!
Rendez-vous bientôt sur Instagram, @virginieg.auteure.
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Une instruction donnée par notre coach d'écriture il y a un peu plus de deux ans: écrivez un guide pratique.
Plus de trois cents heures de travail; trois faux départs, au moins autant de fausses arrivées; deux concours prévus de manqués.
Une première version à 13'000 mots, augmentée jusqu'à 80'000, pour se stabiliser à 50'000 et des poussières, après un dernier passage ces jours qui l'a allégée de 8.5%
Des dizaines de petites voix inconnues de réveillées: mauvaises, négatives , hideuses et décourageantes qui changeaient de ton et d'arguments suivant la phase et l'avancement du projet.
Une métamorphose de: guide pratique à : mi récit épistolaire mi guide pratique.
Une lutte au corps à corps avec Scrivener, avec Word et avec le créateur de couvertures KDP entre hier et aujourd'hui.
Et puis plus rien.
Pas de feux d'artifices, pas de fanfares, pas de champagne, pas de fin d'un compte à rebours.
C'est sur la pointe des pieds que mon livre "Matérialiste-minimaliste, vers la meilleure version de vous-même grâce à vos objets" s'en est allé ce matin, vivre sa vie sur la plate-forme Amazon. Je la lui souhaite intéressante.
C'est le cÅur léger que je m'envole de mon côté vers d'autres contrées, d'autres projets.
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Jâai loupé un délai et câest fâcheux. Câétait un concours où je voulais envoyer mon guide pratique Matérialiste-Minimaliste. Câétait le 15 octobre.
En même temps que câest fâcheux, cela nâa aucune conséquence réelle que celle de mâagacer: personne dans le comité nâattendait mon texte, personne sur la planète à lâexception de quelques membres de ma famille très polis nâattend mon texte, et je ne pensais en aucun cas que mon travail serait retenu.
Et en même temps que cela nâa aucune conséquence réelle, câest fâcheux : ¨depuis quand je ne tiens pas mes délais?¨ je mâétonne.
¨Depuis quand je ne tiens pas mes délais après avoir déjà repoussé moult fois le délai de sortie du même texte?¨ je pense.
¨Depuis quand je repousse mes délais dâailleurs?¨, je me demande.
Je pourrais me pencher sérieusement sur toutes ces questions, et bien dâautres: est-ce un acte de résistance interne, comme S. Pressfield les a décrits? Est-ce de la malchance? Est-ce un manque dâorganisation? Est-ce le manque dâexpérience? Est-ce la peur? Est-ce un peu de tout cela?
Très franchement je nâen sais rien, et jâai pris le parti de ne pas tenter de répondre à ces question, ni de leur prêter attention. Jâai pris le parti de les laisser couler sur mon plumage dâécrivain, que je travaille à faire pousser en sélectionnant chaque plume, chaque pensée, chaque habitude avec soin.
Mon travail dâécrivain tel que je le conçois nâest pas de savoir si jâaurais dû ou non, si jâaurais pu ou non, si je devrais regretter ou non, si ça aurait été possible en y mettant plus dâheures, plus de structure, plus dâorganisation. Ni dâessayer de comprendre le pourquoi du comment.
Mon travail dâécrivain est de chaque jour me présenter devant ma feuille, blanche ou remplie dâun texte que je vais devoir retravailler jusquâà lâécoeurement.
De chaque jour faire assez de place à la lumière pour que les doutes, les questions sans réponse, les blocages nâaient pas lâoccasion de prendre le devant de la scène.
De ne pas me poser la question de si câest bien avant de me poser celle de si câest juste.
Dâaccepter que de faire de mon mieux est déjà bien, même si je loupe des délais, même si cela me prend tellement plus de temps que je nâaurais pensé, que je nâaurais voulu, même si le texte ne sort pas quand ou comme je pense quâil devrait, même si ¨de mon mieux¨ nâest pas encore synonyme de ¨bien¨.
De ne pas juger mon travail avant dâavoir aposé mon point final, pour laisser une chance à ce qui est déjà là dâéclore sur le papier.
Câest dâaccepter que ce que mon conscient et ma logique veulent ou ne veulent pas nâa pas de réelle place dans ce négoce.
Câest dâaccepter de maîtriser tout ce que je met dans mon écriture mais pas ce qui en ressort ni réellement quand, de choisir chacune de mes plumes avec soin sans avoir de certitude quant au résultat final.
Et câest de une fois terminé, le libérer et le laisser vivre sa vie, à ce texte.
Parce quâêtre écrivain, ce nâest pas juste écrire.
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Seule dans le box numéro 6 des urgences de lâhôpital de Saint-André dans un pays qui nâest pas le mien, je regarde défiler douleur, peur, regret, tristesse et presque deux ans de ma vie.
Le docteur entre sans frapper avec son interne et un air important. Il écoute avec attention le diagnostic de son ailière, puis il sâadresse à moi:
â Nous avons exclu la pyélonéphrite, la fonction rénale est normale. Nous suspectons une colique néphrétique. Vous pouvez sortir sous réserve dâun scanner dans les 48 heures.
Alors quâils disparaissent, je regarde défiler un flot dâimages qui éclaircit pour moi mon état. Non Docteur, ce nâest pas une colique néphrétique.
Câest la finalisation de deux ans, 20 weekend, autant de vendredis soir, de samedis et de dimanches. Plus de 400 heures de cours, près de 40â000KM parcourus, de multiples traversées de mon pays. Des vols depuis Londres, Bâle, Zurich, Barcelone, Bordeaux ou Genève. Des trains depuis Villeneuve, Lausanne, Territet, Zurich ou Genève.
Une cinquantaine de nuits hors de chez moi à un moment où jâaurais donné un royaume pour mon lit.
Câest Bordeaux et ses vieux bâtiments majestueux que lâon ne pense plus à regarder de haut en bas et qui, pour beaucoup, puent la pisse du soir au matin. Câest la saleté et les crottes de chien sur les trottoirs.
Câest les grêves aériennes, les avions du vendredi matin enneigés, ceux du dimanche soir retardés, déviés ou annulés. Câest un TGV attrapé à la der avec changement de train et de gare à Paris. Lâangoisse.
Câest mon père qui mâécrit ce weekend des mots que je ne lui connais pas. Et ma mère qui fait de même oralement le même jour. Quelle synchronicité parfaite pour des êtres qui ne se parlent pas.
Câest les pizzas, les glaces, les sushis, les pâtes maison, les poke bowls, les salades, les burgers, les crêpes, les croissants, les pains au chocolats, les bibimbaps, les canelés baillardrans, les fruits secs, les gâteaux, les yaourts, les crackers, les brunch, les dizaines de litres de thé chaud et froid , le café, les fruits, les lattes quâon a engouffrés dans les meilleurs et parfois les pires endroits de la ville.
Câest le avant versus le après: de sans domicile fixe pas très sûre de la pérennité objective de son plan squattant sur le canapé chez sa mère à un lieu de vie fixe et la constatation que oui le plan est stable: je peux écrire chaque jour si cela me chante.
Câest tous les Airbnb dans lesquels jâai dormi. Toutes nuits où je me suis sentie chez moi, et toutes celles où jâavais le mal du pays, dâune maison, de Lui.
Câest Monsieur Laurent dont la façon de repasser les draps et de faire les lits sâapproche des voûtes célestes et mâont rapprochée dâun chez moi.
Câest mon premier livre publié. Câest celui dâAmandiane, qui week-end après weekend dit quâelle nâa rien fait.
Câest la relativité du rien, ces impressions de rien qui nous collent à la peau et nous mettent les compteurs à lâenvers.
Câest une propension nouvelle à regarder au-delà de lâoeuvre et de lâartiste pour voir lâhumain, la fragilité, la démarche : McSolaar, Eric, Steinbeck, Agnès, Christine and the Queen, Jules, R. Bradbury, Lily B. Francis, F. Verdier, Anaël, Brigitte, Sylvie, Michelange et tous les autres.
Câest tous ces gens à Bordeaux qui vivent dans la rue, en groupe, en couple, seuls/es, avec leurs chiens, dans un état de santé qui me semble parfois précaire.
Câest moi qui ne crois pas à la distribution de poisson mais à lâenseignement de la pêche. Sauf que pendant ces vingt mois je nâai ni donné de poisson ni enseigné à personne à pêcher.
Ce sont ces chiens qui semblent tour à tour craindre et adorer leur maître.
Câest toutes ces minutes, heures, jours, mois de doute. Que veut ce personnage? Et ce texte? En serai-je capable.
Câest Face nord et ses dragons dorés, son chat Virgile aux grands yeux, son chevalier noir, son sous-sol humide qui sous couvert dâêtre une consigne à bagage est une salle de torture, ses histoires dâamour qui nâen sont pas, son guide pratique déjà nté que jâai hâte de lire, lâunion dâune fratrie, dans un roman et en vrai.
Câest ses 72 kilomètres de course dans la nuit, en hiver et en montagne. En plus du reste, juste parce que.
¨Câest le mental, juste une question de décider¨, elle me dit.
Câest notre zoo fou, mon croco qui bouffe une petite fille â euh non le contraire.Notre oiseau qui ne veut pas arrêter dâapprendre à voler.
Ce sont les Rues de Bordeaux qui ont passé dâun labyrinthe intriqué menaçant de mâengloutir à un centre ville agréable et facile à naviguer.
Câest un coach dâécriture qui a passé de barbu, intimidant et sévère à exigeant dans plus de douceur et toujours aussi barbu.
Câest la gratitude dâavoir pu accéder à mes rêves, de mâêtre fait dérouler un pont sur mesure sous les pieds.
Câest des rêves dâeau, dâocéan et des cauchemars de bureau.
Ce sont mes listes ¨à faire¨ qui se sont fait la malle sans préavis.
Câest un massage corps coeur âme que je ne suis pas près dâoublier.
Câest six mois de physio pour avoir toujours mal à lâépaule.
Ce sont les heures passées devant un écran, sans témoins, sans feux dâartifice, sans fanfare, et avec si peu de résultats entre les mains. Parce que les voies de ce nouveau paradigme sont tout sauf linéraires.
Câest lâapprentissage de la patience et de lâimmobilisme, du laisser faire. Ã moi!
Câest une centaine de milliers de mots posés, analysés, déplacés, tracés, réécris, remplacés. Et ma difficulté à écrire deux cartes en ce dernier jour.
Câest mon inconscient qui mâinvite dans les méandres de ce quâelle veut que jâécrive. Si elle le veut. Quand elle le veut. Câest arrêter de me battre ou dâessayer de comprendre: elle aura toujours le dernier mot, câest établi.
Câest lâaccueil des cubes violets, des sosies, des clones, des histoires que jâécris et ne comprends pas, des séances dâécriture sans queue ni tête. Ce sont les larmes de confusion, de frustration, de désespoir et de rage ravalées. Et celles de gratitude. Parce que tant quâelle me parle, câest que je suis vivante.
Ce sont tous ces billets de blog qui sâinvitent chez moi alors que jâaimerais être en train dâécrire autre chose, mon roman par exemple. Et câest mon roman qui me boude.
Câest une soirée Très Happy Hour, des cocktails colorés trop sucrés ou trop alcoolisés, quâimporte. Les gonds de la bienséance qui sautent, un regard léger posé sur nos plaies, un beau moment.
Câest Amandine qui me demande le lien entre le titre de mon roman et lâanecdote que je leur partage à table.
Ce sont les fous-rires édition 2018. Câest son rire qui résonne, à Bordeaux et je lâespère à Lyon.
Câest la gentillesse de certaines âmes croisées, la neutralité de certaines autres et lâamertume crasse des dernières.
Câest Lui, dâun support indéfectible. Ce sont ses visites, ses encouragements sans mots, ses glaces, son plaisir à me voir les talons. Câest sa foi sans données, sans preuves, sans raison, lui qui ne croit quâen ce qui est tangible est éprouvé.
Câest la découverte que oui il y a des choses que je ferais avec plaisir jusque à ma mort, que je ne suis pas forcément si bizarre, peut-être jusquâici mal orientée.
Câest une victoire. Sur moi-même, sur le monde du travail, sur ma croyance de devoir y vivre et surtout y mourir. Un pied de nez à la norme, au safe, aux jugement sceptiques de ce dont on nâa pas lâhabitude.
Câest tous ces musées, monuments et boutiques que je nâaurai pas vus à Bordeaux, tous ces vins que je nâaurai pas goûté.
Câest moi qui suis un auteur; câest moi qui ai rendu ma plus belle pièce de joaillerie. Enfin. Peut-être.
Câest lâescape room avec sept auteurs au top. Câest la prison confinée, surchauffée, sombre avec quelquâun que je ne connais pas, charmante au demeurant. Câest lâécran qui crachait des indices à la pelle et nous qui avons failli y rester.
Câest Brigitte qui me fait signe dâaller piquer des talkies walkies avec elle, comme deux gamines en mal dâaction. Quand on est à Bordeaux avec Brigitte tout est permis. Y compris le délit de fuite.
Câest des adieux sous néons et sous perfusion. Mais moi je le sais, ce nâest quâun au revoir.
Câest Monsieur Laurent qui, venant de mâexpliquer quâil a un ¨coeur de pierre¨, mâattend à lâaccueil des urgences à ma sortie, 5 heures plus tard.
Merci Bordeaux, merci Anaël, merci Monsieur Laurent, merci Le Cercle des Auteurs Apparus.
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Jouer au sioux avec son angle, son point de vue, ce que lâon cherche à dire au juste.
Lancer une battue quotidienne en solitaire pour le débusquer.
Chaque jour rentrer bredouille.
Le trouver un beau jour juste là , blotti en boule au coin du feu dans nos pénates.
Ãtait-il là depuis le début? Vient-il d arriver? Motus, il nâen dira pas plus.
Se Rouler dans de fines paillettes argentées que lâon a soigneusement découpées une à une et que lâon nous a tendues sur un plateau dâargent.
Vouloir dresser un menhir, ne trouver que des gravillons, laisser faire et se retrouver à avoir érigé un Moaï.
Prendre ce quâon nous donne, recevoir un résultat mieux, pire et toujours en différent de ce que lâon escomptait.
Se confronter à ses limites de la pire et de la meilleure des façons.
Attacher un fil dâéternel et dâinfini entre sa taille et le ciel.
Inviter les contradictions et le non linéaire dans sa vie.
Distribuer alentour et sans compter de la poussière de soi sans que jamais notre réserve ne se tarisse.
Donner et recevoir.
Inviter cette partie de soi magique, mystérieuse et inspirée pour un brunch au Ritz.
Se faire poser de multiples lapins puis la voir débarquer inopinément en tongues et maillot de bain au supermarché et nous coller aux basques.
Se faire tout petit et se voir grandir.
Comprendre que lâunicité câest tout et ce nâest rien de spécial parce que câest partout, tout autour, dans chacun dâentre nous.
Par définition.
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Câest tendre lâoreille et faire silence pour espérer entendre bruisser les mots alentours. Câest se mettre à son clavier et suer chacun dâeux. Câest se faire surprendre par un jet froid de mots qui débarquent inopinément, en puissance max, se raidir, les considérer dâun air indigné puis se jeter sur son clavier, les attraper au vol, savourer la douche revigorante et en redemander sans que jamais cela ne revienne.
Câest éclater de rire en se relisant, pensant que franchement non il nây a pas moyen. Et publier quand-meme.
Câest se relire la larme à lâÅil, se retourner subrepticement pour sâassurer que personne nous a vus, se donner une petite tape sur lâépaule.
Câest se relire en se disant que jamais au grand jamais on ne serait capable de réécrire ce texte tout en reconnaissant quâil est imparfaitement tissé en purs fils de soi.
Choisir dâécrire câest se faire cueillir au sol par nos personnages et partir en école buissonnière avec eux. Câest explorer des endroits interdits et cachés, écarquiller les yeux, ne pas croire ce quâon voit.
Et câest se retrouver plus bas que terre après avoir plané avec nos protagonistes, le poids de tous ces mots sur les reins.
Câest se dire quâon ne pourra pas le finir, ce truc quâon a commencé. Et dâailleurs mais franchement, quâest-ce qui nous a pris de lâentreprendre, sérieux?!
Câest chaque jour y revenir, en faisant confiance au processus, même quand ça paraît compromis.
Câest un jour le terminer, ce projet, avec tout ce que cela nous offre de légereté ancrée et de pesanteur éthérée.
Câest fermer son cahier et recommencer autre chose.
Choisir dâécrire câest vibrer pour ses personnages, les encourager. Avoir envie de les empaler, de les gommer mais ne pas le faire, de peur quâils ne reviennent, de nuit dans un texte qui nâa rien à voir, façon Barracuda de lâAgence tous Risques avec un couteau de survie entre les dents, des menottes et une cravache pour nous forcer à écrire .
Câest se rouler dans une piscine de lapins angoras dont les poils sont en musique parlée, lâherbe chatoyante dont ils se repaissent des sensations fraîchement cueillies.
Câest être perturbé par ses textes, leur demander dâoù ils sortent. Devoir parfois les mettre à pied pour souffler après quâils nous ont décroché deux uppercut et un coup de pied en revers, en souriant et sans crier gare.
Câest se dire que ça nous est égal, ces étoiles sur les sites de revue et retourner les compter quand-même.
Câest penser que chaque texte est tout et quâil nâest rien. Tout y mettre et ne rien y mettre.
Et puis choisir dâécrire, ¨câest déjà mettre du noir sur du blanc¨ (S. Mallarmé), chaque jour, parce que câest ce qui nous fait vibrer, ce qui nous fait du bien, ce qui nous rend plus nous, ce qui nous donne un sens.
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à la fin 2015, jâai quitté mon travail sans rien derrière. Pas de job, pas de plan. Juste le projet de devenir une version de moi-même ressemblant à autre chose quâune boule de nerf convaincue que la bonne marche du monde dépendait exclusivement de lâexécution en temps et en heure des mille tâches se succédant inexorablement sur mes listes ¨à faire¨.
Cela fait maintenant près de deux ans que jâai décidé dâoffrir une place de choix à lâécriture dans ma vie, pendant lesquels jâai passé par toutes sortes dâétats et de phases: euphorie, joie, désespoir, accès de réalisme et/ou de sarcasme, contentement, tristesse, doutes, peur, sentiment de mâêtre égarée, sentiment de faire exactement ce que je devrais être en train de faire. Et si souvent lâimpression de stagner.
Afin de mâencourager (jâen ai besoin pour continuer le premier jet de mon premier roman et autres projets en cours), jâai décidé de mâarrêter un court instant pour jeter un coup dâoeil en arrière et regarder le chemin parcouru.
Câest ainsi quâest né Patchwork, une sélection de billets de blogs et textes courts, certains bruts et non revus. Chacun dâeux marque un bout du chemin parcouru entre ma décision de prendre la plume et la publication de mon premier livre (Dâombres et de Lumière, recueil de nouvelles).
Mis côte à côte, ces billets de blogs et textes me rappellent quâécrire est un processus long, lent, souvent déroutant; que les livres ne sont écrits quâun mot après lâautre; que les états intérieurs relatifs à lâécriture ne devraient en aucun cas être pris pour des boussoles; que la résistance et la page blanche sont parmi les seules constantes au combat quotidien de lâauteur; et quâavec un peu de patience le progrès montre timidement le bout de son nez et que, parfois, les personnages sâéveillent sur la page qui prend soudain vie avec son auteur.
En regardant le livre fini, chaque texte présenté dans lâordre chronologique avec le lieu et la date de son écriture, chaque petit pas, chaque petit progrès, chaque mini victoire est soudain mis en relief. Tel un patchwork, une suite de petit riens imparfaits qui soudain prend vie comme par magie.
Et câest ainsi, avec une petite tape dans le dos et un nouveau livre dans le coeur, que je reprends ma route en vous souhaitant de belles fêtes et un bon début de 2018.
Le temps est une notion intéressante, parfois un peu perturbante si on y pense.
Avoir le temps.
Perdre son temps.
Il faut laisser le temps au temps
Le temps ne passe pas.
Je nâai pas vu le temps passer.
Je nâai pas eu le temps.
Chronos, Kairos.
Le temps sâest arrêté.
Le temps file. Il passe trop vite.
Trouver le temps long.
Ne pas être maître de son temps.
Quand on travaille en entreprise, ou disons dans une structure donnée, suivant le travail effectué, on peut parfois avoir lâimpression dâêtre les maîtres du temps. Et parfois dâen être une victime.
On peut avoir lâimpression dâavoir passé sa journée à être interrompus, à avoir dû traiter des choses imprévues, et de nâavoir réellement rien fait.
à contrario, on peut se donner lâillusion de rajouter des heures à la journée, en traitant ses emails après ou avant les heures de travail, où le temps vole et la productivité aussi.
Le sommeil en pâtit parfois, ou la vie privée, mais souvent câest égal, on quitte le travail avec un sentiment de profond contentement. Moins dâemails nous attendront jusquâau lendemain, on est plus tranquilles. Pour moi, ça marchait à chaque fois.
Et puis quand on écrit, mais que personne nâattend vraiment rien de nous, la notion du temps change.
Les journées dâécriture sont plus longues, tout en étant très courtes. Elles sont plus calmes tout en étant une sorte de grand huit émotionnel. Elles sont passées en solitaire et pas du tout.
On se lève avec une idée en tête, en tout cas moi, nâayant perdu pratiquement aucun des réflexes dâune bonne employée qui se veut productive : aujourdâhui, jâécrirai pendant x heures sur tel projet puis x heures sur tel autre.
On sây met, et puis non, cela ne se passe pas du tout comme prévu. Même si on reste lâarrière-train vissé à sa chaise toute la journée.
Parce que celle qui mène la danse, ce nâest pas nous, câest lâhistoire. Si on la brusque, quâon tente de la gaver de plus de mots quâelle ne peut accepter pour le moment, on risque de se perdre, de la perdre. Elle risque de disparaître subrepticement en nous faisant la nique. Non merci ici on nâest pas à lâusine, je reviendrai quand tu seras calmée.
Et puis il y a les jours où on nâa pas dâidées, on pense que cela va être compliqué dâécrire même trois mots et soudain lâhistoire se délie, se fait sous nos yeux ébahis alors quâon se concentre pour pouvoir la suivre. Les mots et les minutes sâalignent dâeux-mêmes.
Câest très déconcertant, cet exercice de pousser juste assez, mais pas trop, de laisser faire juste assez, mais pas trop. Un bel exercice dâéquilibre.
Ce matin, comme tous les matins depuis des semaines, mon histoire prend son temps, elle se dandine. Elle me lance des indices, quelques scènes, quelques images que je mâévertue à décrire, à écrire puis elle se retire pour la journée en bâillant.
Je veux la retenir, je veux trouver un truc, comme quand jâétais en entreprise et que je pensais â pour quelques heures â être le maître du temps. Un truc qui me donne lâimpression que jâai tout en main, que je maîtrise.
Ce matin en la regardant prendre congé pour la journée, je me prends à sourire. Cela ne sert à rien de pester, de supplier, de sâénerver ou de sâattrister, je le sais jâai tout essayé. Je ne peux quel la remercier pour la visite et espérer la revoir demain.
Le rythme ce nâest pas moi qui en décide. Jâai une marge de manÅuvre, certes, et je suis la seule à pouvoir décider de me poser sur ma chaise et devant mon écran. Mais au-delà de ça, je ne fais quâapprendre, tenter de comprendre, prendre au vol, recevoir et exercer. La patience, mon endurance, mon lien avec les histoires, les personnages, les scènes, ma capacité à passer dâun projet à lâautre quand lâun dâeux décide de me laisser en plan pour la journée parce quâil mâen a assez dit. Et ma capacité à laisser partir, à écouter le chuchotement qui dit que pour lâinstant câest tout ce quâil y a à voir sur le sujet.
Et puis si je suis honnête, rajouter du temps aux journées ne faisait illusion que pendant quelques heures dans la soirée avant dâarriver au travail le lendemain matin en réalisant que le ping-pong dâemails sâétait enflammé dans ma boîte malgré tout.
Jâapprends donc à laisser partir mon histoire pour lui permettre de se faire une beauté, à me réjouir de la retrouver, et en attendant quâelle revienne, jâécris un billet de blogâ¦
Crédit dâimage: Fabrizio Verrecchia sur Unsplash
Jamais, toujours.
Je tâadore, je la hais.
Cela sera toujours comme ça.
Je suis incapable. Je ne sais pas. Je ne saurai jamais.
Je tâaimerai toujours.
Ce nâest pas possible; pas logique; pas aimable.
Câest gentil.
Elle nâest pas belle je suis trop gros. Il est parfait.
Câest comme ça on nây peut rien.
Ãa ne changera jamais.
Ce serait un échec.
Câest incroyable il réussit tout ce quâil entreprend. Il transforme tout ce quâil touche en or, rien ne lui résiste.
Moi pas. Moi je rate tout.
Je ne comprends rien.
Câest ridicule. Câest bien. Câest mal.
Les chats câest gentil.
Les loups câest méchant.
Les ours câest très méchant. Sauf les pandas.
Tu dois faire des études.
Je dois me ranger.
Il devraient se marier.
Il est nul. Il ne fait que des trucs pourris.
Je ne pourrai jamais.
Mais quâest-ce que je crois?!
Tu te prends pour qui?!
Je suis trop jeune, je nâai aucune expérience. Je nâai aucune chance.
Câest de leur faute, ils mâont mis là .
Les murs se ressèrent et bientôt même un tour sur moi-même me semble impossible.
Je suis trop vieux, il est trop tard.
Câest comme ça, on nây peux rien.
Tout est de ma faute je suis un désastre.
Son poing frappe violemment sur la table et les mots sursautent et volent. Ils retombent sans grand fracas. Ils reviendront, bientôt. Pour le moment ils rampent sournoisement autour de lui à la recherche dâune faille. Et ils la trouveront ce nâest quâune question de temps.
En attendantâ¦
Un peut-être timide, un rêve, une étincelle.
Un ¨se peut-il?¨, un ¨jâaimerais¨, un ¨et siâ¦Â¨.
Ils sâapprochent, ils arrivent. Juste le temps dâun flash, un ¨rien nâest impossible¨ qui disparaît aussi vite quâil est venu.
Ils sont à nouveau sur moi, me collent au cerveau, à la peau. Ils mâenserrent dans leur étreinte, se lient pour créer la prison dont je mâentoure. Pour mâenfermer.
Je ne veux pas mais je ne peux pas. Je ne sais pas. Encore.
Chaque mouvement de lutte me fait saigner et jâen porterai les cicatrices. Toujours.
Pas cette fois, pas comme ça, pas de nouveau. Ils me lacèrent et je me débat.
Je décolle un à un ces mots de moi, de mon être, de mon cerveau, de mon âme. Un à un et sans relâche je fais taire ces mots.
Dehors les ¨jamais¨, banni les ¨toujours¨. Exit les jugements, les discours immuables et assourdissants sur ce que je sais et ce que tu ne sauras jamais. A bas les vérités absolues et les comparaisons inutiles. Tu es un monstre, elle est plus belle, je suis une victime.
Ils tombent mais se relèvent. La guerre rugit, elle dure, elle mâuse, je ne vois pas la fin de ces murs, de ces mots qui semblent se reconstruire tout seuls, un nouveau mur se cachant derrière celui que je viens de faire tomber.
Soudain je me débats autrement. Plus calmement, plus posément.
Un ¨tout est possible¨ prend racine et gonfle dans mon coeur.
Câest possible, je le sais. Je le veux. Je lâaimerais. Je ne sais pas encore comment mais je ne doute plus.
La place se fait mais la bataille gronde toujours en moi. Je ne peux pas baisser la garde.
Je veux, jâaimerais.
Je peux. Je sais que je peux.
Je vais.
Ce matin je me réveille dans le calme. Ils mâont quitté.
Le silence est assourdissant.
Ces mots qui étaient miens, nous vivions si étroitement. Je peux les remplacer.
Un voile se lèvre sur lâhorizon.
Je tends la main, touche les nuage. Plus de haut plus de bas. Plus de mieux plus de pire. Plus de moche beau, laid. Plus de certitudes.
Une angoisse passagère. Puis une infinie liberté.
Que vais-je faire de tout cet espace?
Et vous?
Pourquoi me suivez-vous sans relâche? Qui êtes-vous vraiment? Pourquoi êtes-vous si nombreux à venir me voir?
Vous exigez de moi une sérénité que je ne saurais vous donner à lâinstant où vous me la réclamez. Peut-être jamais du reste.
Comment accepter de vous voir partout sans vous y avoir conviés? Comment vivre avec vous tapis dans chaque recoin de mon existence?
Comment désenchevêtrer ma vie des vôtres?
Comment vous laisser vivre votre vie sans moi, et moi sans vous, vous qui êtes nés par moi et pour moi.
Je te reconnais, toi. Tu as envenimé ma vie des années durant et te revoilà dans mes textes. Sors dâici tout de suite, tu es chez moi et tu n'y es pas le bienvenu. Je te barre, te trace mais tu reviens en sifflotant dans la version dâaprès. Dans les histoires dâaprès. Tu mâenvahis de partout. Tu mâirrites, me provoques, tu tâamuses de mon désarroi. Je te jette le stylo à la figure alors que tu prends tranquillement mon horizon en otage.
Et ces mots, tous ces mots. Le bon mot, le mot juste, le mot pesé, choisi, élégant, parfait. Le mot qui mâéchappe, qui me fuit. Ceux qui blessent, qui me coupent en me traversant avant de venir atterrir nonchalamment sur ma page. Les mots sales, les tristes, les durs. Ceux qui ne sortent pas, ceux que je ne veux pas laisser échapper, ceux qui sâenvolent. Ceux qui mâenvolent. Ceux que je broie, ceux que je brise, ceux qui me broient, que je trace, qui volent en éclats. Ceux qui me heurtent de devoir vous heurter.
Je tourne et retourne ces mots, je vous regarde dans les yeux, dans le coeur, je vous observe vous scrute et je ne comprends pas. Je suis perdu. Je ne vois plus rien, je ne sais plus.
Qui suis-je, moi, pour me mettre entre vous et eux. Pour vous raconter à eux. Est-ce que seulement ils sâintéressent à vous? Comment leur faire découvrir qui vous êtes, vous qui nâexistez quâà travers moi. Comment vous faire justice? Comment leur montrer sans manquer de pudeur, sans vous trahir. Comment vous raconter?
Ils ne vous comprendraient pas.
Soudain câest comme une évidence, câest de ça dont il sâagit, dont il sâest toujours agi. Les mots arrivent en flot, en rafale, en tempête. Après un calme plat tous sâanime soudain. Lâhistoire sâenvole et vous emporte dans son sillage. Je ne peux plus rien pour vous, je dois vous laisser vous envoler. Vous êtes maintenant si loin, vous êtes hors dâatteinte.
Pourquoi mâexcluez-vous alors que je vous ai donné mon souffle, ma vie, mes mots. Pourquoi vous cacher alors que nos destins sont liés. Pourquoi me laissez-vous de nouveau seul, si seul, moi qui vous aime tant.
Comment vivre sans vous maintenant, dans le vide et dans le silence, vous qui me teniez chaud depuis si longtemps. Seul face à ma page, face au monde, face à mes questionnements. Et à toutes ces paires dâyeux.
Qui suis-je donc pour vous imaginer, pour vous voir, pour vous aimer, pour vous raconter? Pour me raconter. Qui suis-je donc pour me mettre ainsi à nu? Qui suis-je donc pour oser oser? Qui suis-je donc pour oser décider de ce qui est bon pour moi? Et pour vous. Qui suis-je donc pour me tenir si droit au milieu de ceux qui se donnent tant de mal pour courber lâéchine? Qui suis-je donc pour oser rêver? Qui suis-je donc pour oser écrire?
Je ne suis personne. Tout au plus une poussière dâétoile de passage dans ce monde, comme vous tous. Une poussière dâétoile déterminée à mâenvoler dans leur sillage, à eux qui sont entrés dans ma vie sans crier gare, à eux qui se sont soufflés à mon âme et à mon oreille, à eux qui mâont invité à faire un bout de chemin avec eux.
Et je suis tout le monde. Je suis mes personnages. Je suis mes histoires, je suis tous ces sentiments qui me traversent et me transforment; qui mâenvahissent, me débordent et puis me quittent. Je suis tous ces mots qui mâhabitent et dont je couche une infime partie sur la page, une main tendue dans la tempête.
Je suis vivant, je suis debout, jâécris et jâavance. Jâemmène avec moi ceux qui me lisent et à qui mon sillage sied.
Je suis un auteur.
A Diane de Man
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