Je ne me souviens pas de la dernière fois que jâai été aussi mal, que je me suis sentie aussi nulle, monstrueuse, conne, stupide, et je mâarrête làpar souci dâéconomie. Pour vous autant que pour moi.
Pourtant je nâai rien fait que nommer ce qui est déjàautour de moi. Que dâessayer de trouver une solution qui prenne en compte les paramètres existants ainsi que ma petite personne. Mais je commence àme dire que je ferais mieux de tenter de résoudre les divisions par zéro, ça irait plus vite.
En plus de la nausée, de mon sentiment dâêtre moins quâinadaptée et de me voir en jumelle de Wolverine, les serres aussi acérées mais en beaucoup moins sympa, je suis aussi fâchée.
Fâchée de me retrouver au milieu de ce gros binz que chacun des participant a construit avec assez de soin et dâingéniosité pour quâil soit àtout jamais inextricable. Moi je nâaime pas inextricable.
Je suis également fâchée que chacun lève les yeux au ciel, au comble du choc quand je ne fais que dâarticuler ce qui est, alors que les autres autour font mille fois pire. Avec le soin pourtant de ne jamais mettre de mots ou de qualifier leurs attitudes et comportements.
Jâai lâimpression de mâêtre pointée àEropolis et quâon mâaccueille avec un silence mortifère et des regards scandalisés parce que le god que jâai ramené est la chose énorme, tordue et épineuse que tout le monde sous entend et dessine â inconsciemment ou pas â depuis des années. Les gens se regardent entre eux et semblent dire: ¨Elle a osé, quel toupet!¨
What the fuck?!
Lâautre chose câest que je rame comme une débile depuis des années et puis juste ces jours je viens de me retourner et de me rendre compte que jâai ramé sur un banc de sable noir de jais tout du long et que je nâai pas avancé dâun iota. Et toute cette belle énergie pouf, disparu!
Moi tranquille depuis des années â enfin relativement â je pensais que finalement je progressais. Que jâavais trouvé le Graal, enfin une poussière de Graal, un hack, une sorte de façon de gérer pour que toute cette merde mâatteigne moins.
En plus de la tristesse et de la colère du jour je me prend une dose de vexation dans la gueule. ¨Mais tu tâes prise pour qui sérieux?!¨
Parfait pour un jeudi de juin.
En tant que quasi quarantenaire jâai appris deux trois choses sur moi, sur lesquelles je me replie: un bain, mon chien, une ballade avec elle, les arbres, la nature, des respirations.
Je commence par la promenade. Enfin commence, je ne sors que vers 15 heures parce quâavant ça je me traîne en pyjama dans mon lit àpondérer si la vie en vaut vraiment la peine.
Donc je sors, me promène, je regarde les arbre, la lumière, les couleurs, les feuilles et mon chien et je me dis que ça pourrait juste aller, et que ça pourrait être bien pire. Jusquâàce quâune connasse qui tient son canidé au col bien trop serré mâintime â en suisse allemand ce qui nâarrange rien â de ramasser mon chien. Comme si câétait un tas dâordure.
Si la dinde avait pu elle se serait rentrée elle, son berger allemand, leur peur de lâAutre et leur angoisse existentielle tous les quatre dans la barrière qui était àlâopposé de ma chienne qui elle les regardait paisiblement, immobile. Mais la peur et lâangoisse nâentraient pas dans la barrière. Trop volumineuses.
Et je tiens àpréciser quâàpart aux ordures quâelle chasse et dévore telle une déchaînée, notre chienne nâinspire la peur àpersonne. Pas même aux hérissons du quartier.
Je rentre de la promenade et rien ne va mieux. Je nâai pas pu empaler la vieille, câest interdit dans mon pays, et jâai toujours la nausée et pas faim.
Je me refais le film de tous ce que jâai tenté de régler, dâaplanir, dâarrondir pendant ces années. Ces décennies putain!
Mais toutes les stratégies que lâon échafaude dans sa tête et dans sa vie, câest certain personne ne les voit. Et si on a le malheur de les mentionner les gens tombent des nues: ¨Des efforts? Tu as fait des efforts? Mais quels efforts, moi je nâai rien vu.¨
Notre frustration grandit et on en vient àquestionner sa propre intelligence: suis-je conne, juste inadaptée, ou simplement je me suis méprise: je ne suis en fait pas humaine, juste une cruche sans tête et pleine dâeau.
Toujours pas calmée je me dis que je devrais faire une petite série de respirations. Mais ça aussi câest des conneries, parce que câest justement les jours et les moment où on aurait le plus besoin de pouvoir respirer librement que câest impossible. Et puis je ne suis pas un moine boudhiste moi. Dâailleurs depuis que je sais quâil existe des moines boudhistes extrémistes je me dis que je ne dois pas être de la pire espèce.
Jâai lu les mêmes livres que vous et cette phrase du Dalaï ne peut que me revenir comme un boomerang trop grand dans la tronche: la souffrance est dans notre esprit, en lâoccurence dans le mien.
Oui sûrement. On peut tous être dâaccord en théorie. En même temps que moi jâai toujours la gerbe, toujours pas faim, toujours du mal àrespirer et que je la vois juste devant mon nez cette saloperie de souffrance. Pas en dehors, pas dans mon esprit, dedans, dans mon corps!
Câest ma chienne qui va mâoffrir la leçon de vie du jour: elle part toujours du principe que lâanimal en face veut jouer, est de bonne foi et ne lui fera pas de mal. Câest dâailleurs ce qui lui a valu de se faire regarder de travers par lâautre mufflasse de forêt avec son berger allemand.
En même temps quand elle constate des signes dâinaptitudes au jeu et de lâagressivité, ma chienne recule.
Quand elle voit quelque chose quâelle veut vraiment, des ordure ou des déjections par exemple, ma chienne les fixe avec insistance, pleure parfois quand je la tiens fermement en laisse pour lâempêcher de sâen approcher. Et pendant une seconde je peux voir quelques points communs entre elle et moi, et entre ce sur quoi chacune de nous fixe son regard.
Finalement, quand elle voit que le premier tas dâordure nâest vraiment pas accessible parce que sa maîtresse ne sait pas ce qui est bon dans la vie, Nyima se concentre sur les autres options. Celles que peut-être je ne vois pas. Comme Sheryl Sandberg en fait: ¨When option A is not available, focus on option B*¨.
Je vais donc â ai-je vraiment bien compris et retenu le message cette fois-ci?! â me concentrer sur mon Option B, et la C et la D. Et ce jusquâàZ. Et pour dire, aucune de celles-ci nâest mauvaise, bien au contraire. Et au passage si elle me regarde, jâemmerde mon option A.
Quant aux yeux de merlans frits qui me regardent avec suspicion en me disant ¨Des efforts? Tu as fait des efforts? Mais quels efforts, moi je nâai rien vu.¨, préparez-vous, parce que si vous nâêtes pas capables de reconnaître un effort quand vous en croisez un, vous saurez les reconnaître quand ils se présentent àvous en négatif.
Ah oui, et aujourdâhui je nâai pas mal àlâépaule. Allez comprendre!
à bon entendeur!
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* Quand la première option nâest pas disponible, concentrez-vous sur la seconde.
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Crédit dâimage: Steve from Pexels