Jâai loupé un délai et câest fâcheux. Câétait un concours où je voulais envoyer mon guide pratique Matérialiste-Minimaliste. Câétait le 15 octobre.
En même temps que câest fâcheux, cela nâa aucune conséquence réelle que celle de mâagacer: personne dans le comité nâattendait mon texte, personne sur la planète àlâexception de quelques membres de ma famille très polis nâattend mon texte, et je ne pensais en aucun cas que mon travail serait retenu.
Et en même temps que cela nâa aucune conséquence réelle, câest fâcheux : ¨depuis quand je ne tiens pas mes délais?¨ je mâétonne.
¨Depuis quand je ne tiens pas mes délais après avoir déjàrepoussé moult fois le délai de sortie du même texte?¨ je pense.
¨Depuis quand je repousse mes délais dâailleurs?¨, je me demande.
Je pourrais me pencher sérieusement sur toutes ces questions, et bien dâautres: est-ce un acte de résistance interne, comme S. Pressfield les a décrits? Est-ce de la malchance? Est-ce un manque dâorganisation? Est-ce le manque dâexpérience? Est-ce la peur? Est-ce un peu de tout cela?
Très franchement je nâen sais rien, et jâai pris le parti de ne pas tenter de répondre àces question, ni de leur prêter attention. Jâai pris le parti de les laisser couler sur mon plumage dâécrivain, que je travaille àfaire pousser en sélectionnant chaque plume, chaque pensée, chaque habitude avec soin.
Mon travail dâécrivain tel que je le conçois nâest pas de savoir si jâaurais dû ou non, si jâaurais pu ou non, si je devrais regretter ou non, si ça aurait été possible en y mettant plus dâheures, plus de structure, plus dâorganisation. Ni dâessayer de comprendre le pourquoi du comment.
Mon travail dâécrivain est de chaque jour me présenter devant ma feuille, blanche ou remplie dâun texte que je vais devoir retravailler jusquâàlâécoeurement.
De chaque jour faire assez de place àla lumière pour que les doutes, les questions sans réponse, les blocages nâaient pas lâoccasion de prendre le devant de la scène.
De ne pas me poser la question de si câest bien avant de me poser celle de si câest juste.
Dâaccepter que de faire de mon mieux est déjàbien, même si je loupe des délais, même si cela me prend tellement plus de temps que je nâaurais pensé, que je nâaurais voulu, même si le texte ne sort pas quand ou comme je pense quâil devrait, même si ¨de mon mieux¨ nâest pas encore synonyme de ¨bien¨.
De ne pas juger mon travail avant dâavoir aposé mon point final, pour laisser une chance àce qui est déjàlàdâéclore sur le papier.
Câest dâaccepter que ce que mon conscient et ma logique veulent ou ne veulent pas nâa pas de réelle place dans ce négoce.
Câest dâaccepter de maîtriser tout ce que je met dans mon écriture mais pas ce qui en ressort ni réellement quand, de choisir chacune de mes plumes avec soin sans avoir de certitude quant au résultat final.
Et câest de une fois terminé, le libérer et le laisser vivre sa vie, àce texte.
Parce quâêtre écrivain, ce nâest pas juste écrire.
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Crédit dâimage: David Clode on Unsplash
Michel-Ange, incarné sur une scène de théâtre, décliner la demande du pape Jules II de peindre les fresques de la Chapelle Sixtine. Michel-Ange était sculpteur, pas peintre.
Des touristes déambuler, yeux rivés sur leur téléphone.
Des romains déambuler, yeux rivés sur leur téléphone.
Des touristes perdus.
Des romains perdus.
Des romains exaspérés de tous ces touristes, perdus ou non, qui envahissent leur ville.
Des serveurs en surnombre qui sâennuyaient.
Un homme balayant des feuilles avant de les ramasser et de les emmener. Des passants lâignorer avec autant de diligence que lui menait àbien son initiative personnelle.
Un autre jouer de la trompette dans le parc Borghese sans public, accompagné dâun orchestre de jazz de la taille dâun CD.
Des autochtones qui buvaient lâeau àmême les fontaines de la ville.
Des touristes boire de lâeau en bouteilles achetées àquelques mètres des fontaines.
Lâoriginal du buste du Belvédère, exposé en pièce maîtresse et très seul, ignoré des visiteurs qui arpentaient le musée du Vatican de bon matin.
Une guide expliquer quâil nây avait aucun signalement pour la Domus Aurea pour éviter de trop nombreux visiteurs.
Une femme faisant son jogging, sac Chanel matelassé et surpiqué en bandoulière.
Un jeune homme, précédemment soliste àlâOrchestre Philarmonique de Salzburg, jouer Rockabye de Cleanbandit au violon sur une place bondée, auréolé dâune foule admirative.
Des touristes boire lâeau des fontaines de la ville.
Des toiles gigantesques de Matisse trôner dans leur salle éponyme pendant que les visiteurs passaient tout droit dans la salle suivante, sans un regard.
Un groupe descendre en rappel du haut du Colisée.
Une file de 2h dissoute le temps dâune marguerite.
Des gens émerveillés.
Des gens blasés.
Le Colisée â légèrement afaissé depuis ma dernière visite â regorger de monde.
Une dame expliquer àson voisin la source de cet affaissement: le surnombre de visiteurs autorisés en même temps dans le monument pendant de nombreuses années.
Des passants prendre en photo des acteurs de rue dont le chapeau restait désespérément vide.
Une foule de gens prendre un selfie avec La Pietà de Michel-Ange et rester postés là, admirant leur portrait sans jamais lever les yeux sur lâoeuvre tridimensionnelle.
Une chapelet de clients de Zeroseicongressi déambuler librement dans la Basilique Saint-Pierre pendant que des touristes, parqués derrière des cordelettes, les prenaient en photo.
Une armée de guides sur le pied de guerre de bon matin.
Une armée de guides pris dâassaut de bon matin.
Une armée de guides sur le pied de guerre, pris dâassaut et infiniment las de bon matin.
Une publicité pour une montre qui promettait dâoffrir àses possesseurs le true time.
Une copie du buste du belvédère cernée dâadmirateurs et recouverte de petites croix marquées au crayon par la multitude dâartistes qui sâen sont inspirés àtravers les années.
Une historienne de lâart qui offrait àqui voulait bien la suivre une myriade de dimensions et dâimages le temps dâune visite guidée àla Villa Médici.
Des perruches multicolores, le plus grand fléau de ladite villa car elles en mangeaient les murs, murs sur lesquelles elles étaient maintenant immortalisées.
Une fontaine assèchée.
Une dame en pantoufles nourrir les pigeons.
Un homme laver ses chaussettes dans une fontaine dâeau potable.
Un prêtre en ray ban.
Une jeune femme avec les cheveux teints en gris argenté.
Un homme en bonnet de laine écouter de la musique classique qui sâenvolait hors de son casque.
Et puis les fresques lumineuses de la Chapelle Sixtine dont sâélançait majestueusement une troisième dimension, parce quâaprès avoir dit non, Michel-Ange a dit oui.
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Crédit dâimage: Willian West on Unsplash
Je ne me souviens pas de la dernière fois que jâai été aussi mal, que je me suis sentie aussi nulle, monstrueuse, conne, stupide, et je mâarrête làpar souci dâéconomie. Pour vous autant que pour moi.
Pourtant je nâai rien fait que nommer ce qui est déjàautour de moi. Que dâessayer de trouver une solution qui prenne en compte les paramètres existants ainsi que ma petite personne. Mais je commence àme dire que je ferais mieux de tenter de résoudre les divisions par zéro, ça irait plus vite.
En plus de la nausée, de mon sentiment dâêtre moins quâinadaptée et de me voir en jumelle de Wolverine, les serres aussi acérées mais en beaucoup moins sympa, je suis aussi fâchée.
Fâchée de me retrouver au milieu de ce gros binz que chacun des participant a construit avec assez de soin et dâingéniosité pour quâil soit àtout jamais inextricable. Moi je nâaime pas inextricable.
Je suis également fâchée que chacun lève les yeux au ciel, au comble du choc quand je ne fais que dâarticuler ce qui est, alors que les autres autour font mille fois pire. Avec le soin pourtant de ne jamais mettre de mots ou de qualifier leurs attitudes et comportements.
Jâai lâimpression de mâêtre pointée àEropolis et quâon mâaccueille avec un silence mortifère et des regards scandalisés parce que le god que jâai ramené est la chose énorme, tordue et épineuse que tout le monde sous entend et dessine â inconsciemment ou pas â depuis des années. Les gens se regardent entre eux et semblent dire: ¨Elle a osé, quel toupet!¨
What the fuck?!
Lâautre chose câest que je rame comme une débile depuis des années et puis juste ces jours je viens de me retourner et de me rendre compte que jâai ramé sur un banc de sable noir de jais tout du long et que je nâai pas avancé dâun iota. Et toute cette belle énergie pouf, disparu!
Moi tranquille depuis des années â enfin relativement â je pensais que finalement je progressais. Que jâavais trouvé le Graal, enfin une poussière de Graal, un hack, une sorte de façon de gérer pour que toute cette merde mâatteigne moins.
En plus de la tristesse et de la colère du jour je me prend une dose de vexation dans la gueule. ¨Mais tu tâes prise pour qui sérieux?!¨
Parfait pour un jeudi de juin.
En tant que quasi quarantenaire jâai appris deux trois choses sur moi, sur lesquelles je me replie: un bain, mon chien, une ballade avec elle, les arbres, la nature, des respirations.
Je commence par la promenade. Enfin commence, je ne sors que vers 15 heures parce quâavant ça je me traîne en pyjama dans mon lit àpondérer si la vie en vaut vraiment la peine.
Donc je sors, me promène, je regarde les arbre, la lumière, les couleurs, les feuilles et mon chien et je me dis que ça pourrait juste aller, et que ça pourrait être bien pire. Jusquâàce quâune connasse qui tient son canidé au col bien trop serré mâintime â en suisse allemand ce qui nâarrange rien â de ramasser mon chien. Comme si câétait un tas dâordure.
Si la dinde avait pu elle se serait rentrée elle, son berger allemand, leur peur de lâAutre et leur angoisse existentielle tous les quatre dans la barrière qui était àlâopposé de ma chienne qui elle les regardait paisiblement, immobile. Mais la peur et lâangoisse nâentraient pas dans la barrière. Trop volumineuses.
Et je tiens àpréciser quâàpart aux ordures quâelle chasse et dévore telle une déchaînée, notre chienne nâinspire la peur àpersonne. Pas même aux hérissons du quartier.
Je rentre de la promenade et rien ne va mieux. Je nâai pas pu empaler la vieille, câest interdit dans mon pays, et jâai toujours la nausée et pas faim.
Je me refais le film de tous ce que jâai tenté de régler, dâaplanir, dâarrondir pendant ces années. Ces décennies putain!
Mais toutes les stratégies que lâon échafaude dans sa tête et dans sa vie, câest certain personne ne les voit. Et si on a le malheur de les mentionner les gens tombent des nues: ¨Des efforts? Tu as fait des efforts? Mais quels efforts, moi je nâai rien vu.¨
Notre frustration grandit et on en vient àquestionner sa propre intelligence: suis-je conne, juste inadaptée, ou simplement je me suis méprise: je ne suis en fait pas humaine, juste une cruche sans tête et pleine dâeau.
Toujours pas calmée je me dis que je devrais faire une petite série de respirations. Mais ça aussi câest des conneries, parce que câest justement les jours et les moment où on aurait le plus besoin de pouvoir respirer librement que câest impossible. Et puis je ne suis pas un moine boudhiste moi. Dâailleurs depuis que je sais quâil existe des moines boudhistes extrémistes je me dis que je ne dois pas être de la pire espèce.
Jâai lu les mêmes livres que vous et cette phrase du Dalaï ne peut que me revenir comme un boomerang trop grand dans la tronche: la souffrance est dans notre esprit, en lâoccurence dans le mien.
Oui sûrement. On peut tous être dâaccord en théorie. En même temps que moi jâai toujours la gerbe, toujours pas faim, toujours du mal àrespirer et que je la vois juste devant mon nez cette saloperie de souffrance. Pas en dehors, pas dans mon esprit, dedans, dans mon corps!
Câest ma chienne qui va mâoffrir la leçon de vie du jour: elle part toujours du principe que lâanimal en face veut jouer, est de bonne foi et ne lui fera pas de mal. Câest dâailleurs ce qui lui a valu de se faire regarder de travers par lâautre mufflasse de forêt avec son berger allemand.
En même temps quand elle constate des signes dâinaptitudes au jeu et de lâagressivité, ma chienne recule.
Quand elle voit quelque chose quâelle veut vraiment, des ordure ou des déjections par exemple, ma chienne les fixe avec insistance, pleure parfois quand je la tiens fermement en laisse pour lâempêcher de sâen approcher. Et pendant une seconde je peux voir quelques points communs entre elle et moi, et entre ce sur quoi chacune de nous fixe son regard.
Finalement, quand elle voit que le premier tas dâordure nâest vraiment pas accessible parce que sa maîtresse ne sait pas ce qui est bon dans la vie, Nyima se concentre sur les autres options. Celles que peut-être je ne vois pas. Comme Sheryl Sandberg en fait: ¨When option A is not available, focus on option B*¨.
Je vais donc â ai-je vraiment bien compris et retenu le message cette fois-ci?! â me concentrer sur mon Option B, et la C et la D. Et ce jusquâàZ. Et pour dire, aucune de celles-ci nâest mauvaise, bien au contraire. Et au passage si elle me regarde, jâemmerde mon option A.
Quant aux yeux de merlans frits qui me regardent avec suspicion en me disant ¨Des efforts? Tu as fait des efforts? Mais quels efforts, moi je nâai rien vu.¨, préparez-vous, parce que si vous nâêtes pas capables de reconnaître un effort quand vous en croisez un, vous saurez les reconnaître quand ils se présentent àvous en négatif.
Ah oui, et aujourdâhui je nâai pas mal àlâépaule. Allez comprendre!
à bon entendeur!
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* Quand la première option nâest pas disponible, concentrez-vous sur la seconde.
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Crédit dâimage: Steve from Pexels
Seule dans le box numéro 6 des urgences de lâhôpital de Saint-André dans un pays qui nâest pas le mien, je regarde défiler douleur, peur, regret, tristesse et presque deux ans de ma vie.
Le docteur entre sans frapper avec son interne et un air important. Il écoute avec attention le diagnostic de son ailière, puis il sâadresse àmoi:
â Nous avons exclu la pyélonéphrite, la fonction rénale est normale. Nous suspectons une colique néphrétique. Vous pouvez sortir sous réserve dâun scanner dans les 48 heures.
Alors quâils disparaissent, je regarde défiler un flot dâimages qui éclaircit pour moi mon état. Non Docteur, ce nâest pas une colique néphrétique.
Câest la finalisation de deux ans, 20 weekend, autant de vendredis soir, de samedis et de dimanches. Plus de 400 heures de cours, près de 40â000KM parcourus, de multiples traversées de mon pays. Des vols depuis Londres, Bâle, Zurich, Barcelone, Bordeaux ou Genève. Des trains depuis Villeneuve, Lausanne, Territet, Zurich ou Genève.
Une cinquantaine de nuits hors de chez moi àun moment où jâaurais donné un royaume pour mon lit.
Câest Bordeaux et ses vieux bâtiments majestueux que lâon ne pense plus àregarder de haut en bas et qui, pour beaucoup, puent la pisse du soir au matin. Câest la saleté et les crottes de chien sur les trottoirs.
Câest les grêves aériennes, les avions du vendredi matin enneigés, ceux du dimanche soir retardés, déviés ou annulés. Câest un TGV attrapé àla der avec changement de train et de gare àParis. Lâangoisse.
Câest mon père qui mâécrit ce weekend des mots que je ne lui connais pas. Et ma mère qui fait de même oralement le même jour. Quelle synchronicité parfaite pour des êtres qui ne se parlent pas.
Câest les pizzas, les glaces, les sushis, les pâtes maison, les poke bowls, les salades, les burgers, les crêpes, les croissants, les pains au chocolats, les bibimbaps, les canelés baillardrans, les fruits secs, les gâteaux, les yaourts, les crackers, les brunch, les dizaines de litres de thé chaud et froid , le café, les fruits, les lattes quâon a engouffrés dans les meilleurs et parfois les pires endroits de la ville.
Câest le avant versus le après: de sans domicile fixe pas très sûre de la pérennité objective de son plan squattant sur le canapé chez sa mère àun lieu de vie fixe et la constatation que oui le plan est stable: je peux écrire chaque jour si cela me chante.
Câest tous les Airbnb dans lesquels jâai dormi. Toutes nuits où je me suis sentie chez moi, et toutes celles où jâavais le mal du pays, dâune maison, de Lui.
Câest Monsieur Laurent dont la façon de repasser les draps et de faire les lits sâapproche des voûtes célestes et mâont rapprochée dâun chez moi.
Câest mon premier livre publié. Câest celui dâAmandiane, qui week-end après weekend dit quâelle nâa rien fait.
Câest la relativité du rien, ces impressions de rien qui nous collent àla peau et nous mettent les compteurs àlâenvers.
Câest une propension nouvelle àregarder au-delàde lâoeuvre et de lâartiste pour voir lâhumain, la fragilité, la démarche : McSolaar, Eric, Steinbeck, Agnès, Christine and the Queen, Jules, R. Bradbury, Lily B. Francis, F. Verdier, Anaël, Brigitte, Sylvie, Michelange et tous les autres.
Câest tous ces gens àBordeaux qui vivent dans la rue, en groupe, en couple, seuls/es, avec leurs chiens, dans un état de santé qui me semble parfois précaire.
Câest moi qui ne crois pas àla distribution de poisson mais àlâenseignement de la pêche. Sauf que pendant ces vingt mois je nâai ni donné de poisson ni enseigné àpersonne àpêcher.
Ce sont ces chiens qui semblent tour àtour craindre et adorer leur maître.
Câest toutes ces minutes, heures, jours, mois de doute. Que veut ce personnage? Et ce texte? En serai-je capable.
Câest Face nord et ses dragons dorés, son chat Virgile aux grands yeux, son chevalier noir, son sous-sol humide qui sous couvert dâêtre une consigne àbagage est une salle de torture, ses histoires dâamour qui nâen sont pas, son guide pratique déjànté que jâai hâte de lire, lâunion dâune fratrie, dans un roman et en vrai.
Câest ses 72 kilomètres de course dans la nuit, en hiver et en montagne. En plus du reste, juste parce que.
¨Câest le mental, juste une question de décider¨, elle me dit.
Câest notre zoo fou, mon croco qui bouffe une petite fille â euh non le contraire.Notre oiseau qui ne veut pas arrêter dâapprendre àvoler.
Ce sont les Rues de Bordeaux qui ont passé dâun labyrinthe intriqué menaçant de mâengloutir àun centre ville agréable et facile ànaviguer.
Câest un coach dâécriture qui a passé de barbu, intimidant et sévère àexigeant dans plus de douceur et toujours aussi barbu.
Câest la gratitude dâavoir pu accéder àmes rêves, de mâêtre fait dérouler un pont sur mesure sous les pieds.
Câest des rêves dâeau, dâocéan et des cauchemars de bureau.
Ce sont mes listes ¨àfaire¨ qui se sont fait la malle sans préavis.
Câest un massage corps coeur âme que je ne suis pas près dâoublier.
Câest six mois de physio pour avoir toujours mal àlâépaule.
Ce sont les heures passées devant un écran, sans témoins, sans feux dâartifice, sans fanfare, et avec si peu de résultats entre les mains. Parce que les voies de ce nouveau paradigme sont tout sauf linéraires.
Câest lâapprentissage de la patience et de lâimmobilisme, du laisser faire. Ã moi!
Câest une centaine de milliers de mots posés, analysés, déplacés, tracés, réécris, remplacés. Et ma difficulté àécrire deux cartes en ce dernier jour.
Câest mon inconscient qui mâinvite dans les méandres de ce quâelle veut que jâécrive. Si elle le veut. Quand elle le veut. Câest arrêter de me battre ou dâessayer de comprendre: elle aura toujours le dernier mot, câest établi.
Câest lâaccueil des cubes violets, des sosies, des clones, des histoires que jâécris et ne comprends pas, des séances dâécriture sans queue ni tête. Ce sont les larmes de confusion, de frustration, de désespoir et de rage ravalées. Et celles de gratitude. Parce que tant quâelle me parle, câest que je suis vivante.
Ce sont tous ces billets de blog qui sâinvitent chez moi alors que jâaimerais être en train dâécrire autre chose, mon roman par exemple. Et câest mon roman qui me boude.
Câest une soirée Très Happy Hour, des cocktails colorés trop sucrés ou trop alcoolisés, quâimporte. Les gonds de la bienséance qui sautent, un regard léger posé sur nos plaies, un beau moment.
Câest Amandine qui me demande le lien entre le titre de mon roman et lâanecdote que je leur partage àtable.
Ce sont les fous-rires édition 2018. Câest son rire qui résonne, àBordeaux et je lâespère àLyon.
Câest la gentillesse de certaines âmes croisées, la neutralité de certaines autres et lâamertume crasse des dernières.
Câest Lui, dâun support indéfectible. Ce sont ses visites, ses encouragements sans mots, ses glaces, son plaisir àme voir les talons. Câest sa foi sans données, sans preuves, sans raison, lui qui ne croit quâen ce qui est tangible est éprouvé.
Câest la découverte que oui il y a des choses que je ferais avec plaisir jusque àma mort, que je ne suis pas forcément si bizarre, peut-être jusquâici mal orientée.
Câest une victoire. Sur moi-même, sur le monde du travail, sur ma croyance de devoir y vivre et surtout y mourir. Un pied de nez àla norme, au safe, aux jugement sceptiques de ce dont on nâa pas lâhabitude.
Câest tous ces musées, monuments et boutiques que je nâaurai pas vus àBordeaux, tous ces vins que je nâaurai pas goûté.
Câest moi qui suis un auteur; câest moi qui ai rendu ma plus belle pièce de joaillerie. Enfin. Peut-être.
Câest lâescape room avec sept auteurs au top. Câest la prison confinée, surchauffée, sombre avec quelquâun que je ne connais pas, charmante au demeurant. Câest lâécran qui crachait des indices àla pelle et nous qui avons failli y rester.
Câest Brigitte qui me fait signe dâaller piquer des talkies walkies avec elle, comme deux gamines en mal dâaction. Quand on est àBordeaux avec Brigitte tout est permis. Y compris le délit de fuite.
Câest des adieux sous néons et sous perfusion. Mais moi je le sais, ce nâest quâun au revoir.
Câest Monsieur Laurent qui, venant de mâexpliquer quâil a un ¨coeur de pierre¨, mâattend àlâaccueil des urgences àma sortie, 5 heures plus tard.
Merci Bordeaux, merci Anaël, merci Monsieur Laurent, merci Le Cercle des Auteurs Apparus.
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Crédit dâimage: Guillaume Flandre, Unsplash
You seem to think all this goodness lives within me and only me.
My friend this luscious world you see lives in my heart as well as yours.
And if in me riches you see, and goodness and the world, this is because your heart and mine connect to make a better world.
Not in my heart or in your mind, but in my heart and in yours too.
So my dear friend never forget what your eyes see you can obtain, what your heart feels you can sustain.
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Crédit dâimage:chuttersnap,Unsplash
Jouer au sioux avec son angle, son point de vue, ce que lâon cherche àdire au juste.
Lancer une battue quotidienne en solitaire pour le débusquer.
Chaque jour rentrer bredouille.
Le trouver un beau jour juste là, blotti en boule au coin du feu dans nos pénates.
Ãtait-il làdepuis le début? Vient-il d arriver? Motus, il nâen dira pas plus.
Se Rouler dans de fines paillettes argentées que lâon a soigneusement découpées une àune et que lâon nous a tendues sur un plateau dâargent.
Vouloir dresser un menhir, ne trouver que des gravillons, laisser faire et se retrouver àavoir érigé un Moaï.
Prendre ce quâon nous donne, recevoir un résultat mieux, pire et toujours en différent de ce que lâon escomptait.
Se confronter àses limites de la pire et de la meilleure des façons.
Attacher un fil dâéternel et dâinfini entre sa taille et le ciel.
Inviter les contradictions et le non linéaire dans sa vie.
Distribuer alentour et sans compter de la poussière de soi sans que jamais notre réserve  ne se tarisse.
Donner et recevoir.
Inviter cette partie de soi magique, mystérieuse et inspirée pour un brunch au Ritz.
Se faire poser de multiples lapins puis la voir débarquer inopinément en tongues et maillot de bain au supermarché et nous coller aux basques.
Se faire tout petit et se voir grandir.
Comprendre que lâunicité câest tout et ce nâest rien de spécial parce que câest partout, tout autour, dans chacun dâentre nous.
Par définition.
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àDiane de Man
Aimer et sentir que sa vie nâaurait aucun sens sans lâautre. Le penser. Et puis tout au fond soupçonner que ce nâest pas le cas.
Avoir raison.
Vouloir lâautre tout pour soi. Apprendre àle partager.
Prendre plaisir àvoir son oiseau du paradis sâenvoler, avec toujours au coeur une pointe dâinquiétude. Sâémerveiller àchaque fois quâil nous revient, àchaque fois quâil nous choisit.
Avoir honte de ses propres travers, longtemps travailler àles dissimuler àtout prix sinon il / elle disparaîtra. Ou nous, avalés par la honte ou noyés dans le Styx.
Découvrir ànotre plus grand étonnement quâun autre peut nous aimer non malgré mais avec ces travers. Pour autant que nous montrions lâexemple.
Vouloir tout donner àlâautre. Sâentendre dire quâil nâa besoin de rien. Sentir sauter les sutures dâune vieille plaie. Souffrir et vouloir disparaître.
Il nâa pas besoin de moi? Suis-je donc inutile, indigne, pas àla hauteur?
Penser àCyrano, ¨Câest bien plus beau lorsque câest inutile !¨.
Se mettre ànu. Entendre chacune de nos fibres protester, se raidir, nous hurler de reculer faute de mourir egorgé. Persister. Constater quâau lieu de crocs câest lâaile dâune colombe qui nous effleure.
Se montrer vulnérable et finir terrassé, en lambeaux. Longtemps penser ne jamais pouvoir se relever.
Un jour se remettre debout et continuer sa route.
Vouloir être tout pour lâautre, accepter que si lâon est déjàsoi, juste soi, câest déjàbeaucoup.
Sâengueuler, exploser, déborder. Lui en vouloir, sâen vouloir, avoir lâimpression dâavoir failli.
Et puis réaliser quâune relation est aussi cela: les engueulades, les manqués, les ratés, les pardonnés.
Vouloir lui faire plaisir. Y arriver. Ãchouer. Ne pas se formaliser.
Apprendre àarrondir certains de ses angles. Au bénéfice de lâautre, mais bel et bien pour soi.
Main dans la main, côte àcôte apprendre àdevenir une meilleure version de soi. Pas comme condition, dû ou nécessité mais comme une conséquence.
Envoyer ballader cela un instant parce que lâentièreté, la passion àen étouffer câest parfois tellement bon.
Oser dire ¨Jâai envie de toi¨, oser dire ¨Je nâai pas envie de toi¨.
Apprendre àse lâentendre dire.
Se sentir humilié, poignardé puis comprendre que si lâautre sait nous dire non, il sait aussi nous dire de vrais oui.
Boire une coupette de champagne pour célébrer cette découverte inattendue et réjouissante.
Comprendre juste assez dâhistoire et de géographie pour voir la différence entre un jumelage et une annexation.
Apprendre àdire et àentendre «tu mâas fait mal» et «pardon de te blesser mais je ne peux pas aller au-delà».
Sâattrister dâêtre imparfaits, incomplets, insuffisants. Constater que nous sommes tricotés ainsi.
Essayer, échouer, en baver, subir, se sentir floué.
Apprendre àsentir, àexprimer ce dont on a besoin, ce qui nous fait du bien.
En vouloir àlâautre de ne pas répondre àtoutes nos attentes, ànos désirs inexprimés et puis soupirer dâaise àla réalisation que câest pour le coup que le contraire est aussi vrai.
Aimer, se laisser aimer sans assurance, sans réassurance.Â
Lui faire un jus de fruits pressés.
Manger des sushis avec elle parce quâelle en raffole, et nous aussi.
Lui acheter une toupie.
Laisser notre coeur fleurir de tout le bien que cela leur fait, et ànous donc.
Entendre que câest aussi ces petits riens, ces petites attentions quâils aiment en nous.
En sourire parce que cela nous semble si banal.
Déborder dâamour avec lâimpression que son cÅur pourrait imploser.
Avoir envie de lancer lâautre contre un mur.
Accepter que cela peut être et lâun et lâautre.
Se déculpabiliser.
Travailler àse sentir digne. Se dire que la seule chose dont on ne sera jamais àla hauteur sont nos propres attentes de nous-même.
Renvoyer promptement et sans hésitation toute pensée, commentaire et quiconque nous chuchotterait, sous-entendrait ou nous ferait sentir quâon ne lâest effectivement pas, digne.
Imparfaits, toujours. Indignes, jamais.
Refuser la routine, lâennui, lâimpression dâacquis. Prendre pour armes les ¨bonjour¨, les ¨bonne nuit¨, les plats de sushi, les jus de fruits pressé, les toupies et tout autre artillerie blanche àdisposition. En abuser.
Sâennuyer ensemble. Rire. Apprendre àdire ¨Jâai besoin dâêtre seul/e¨.
Avoir du plaisir sans lâautre et lâaimer quand même.
Aimer lâautre et àavoir du plaisir sans lui/elle.
Se faire du bien. Avec et sans lâautre.
Voir dâautres passer, se demander comment serait une soirée, une nuit, une vie avec eux et laisser cela ànotre imaginaire.
Voir dâautres passer, se demander comment serait une soirée, une nuit, une vie avec eux et ne pas laisser cela ànotre imaginaire.
Explorer parce câest juste et bon pour nous.
Laisser les gricheux, les frustrés, les fâcheux et leurs commentaires outrés couler. Sâen amuser.
Qui suis-je pour attendre quâon me valide? Qui sont-ils pour savoir ce qui est bon pour moi?
Ãcouter ¨Sweet Escape¨ de Gwen Stefani.
Tomber, faillir, se relever àcôté dâune autre, regretter.
Se pardonner et travailler àcomprendre, àfaire mieux. Pour soi et dans son lien àlâautre.
Ãcouter ¨Rien nâest si bon¨ de Stephan Eicher.
Voir lâautre souffrir, désirer engloutir sa peine et anéantir ce qui le blesse. à défaut rester làles bras ballants.
Se sentir inutile sans jamais être àmême de percevoir la portée de notre simple présence. Accepter que cela, comme tant de chose, nous échappe.
Ne pas être assez. Ne pas se rendre compte àquel point on est assez, plus, pas assez, tout cela en même temps.
Faire un effort, une concession, un compromis, pas pour préparer de la munition àresservir plus tard sur un plateau gelé fatal, pas parce quâon se sent obligé mais parce que cela nous fait si plaisir de lui faire plaisir.
Parler de lâautre àdâautres une pointe de fierté dans la voix. Constater que personne ne peut comprendre, pas même nous peut-être.
Sentir que lâautre est là, dans notre équipe et quâon est dans la sienne. Et que du coup on est prêt àse lancer dans nâimporte quel sport, dans nâimporte quelle ligue.
Ãcouter ¨La petite monnaie¨ de Bénabar.
Ne pas prendre lâautre pour une bequille, un réceptacle de ses humeurs, la source de ses malheurs, la condition sine qua non de son bonheur.
Ne se considérer comme responsable dâaucunes de ces choses dans la vie de lâautre.
Apprendre àprendre soin de soi, de lâautre, de la relation.
Observer que ce nâest jamais aussi propre et simple en vrai que sur le papier.
Ecouter ¨Lovely day¨ de Billy Withers.
Faire bien faire, faire mal, faire mieux, faire de son mieux.
Se plaire, rire, sâexaspérer, danser, sâengueuler et avancer ensemble, main dans la main et pas àpas dans la bruine.
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Je pousse la porte de la vieille boutique. Le parquet craquèle sous mes pas et la porte grince comme je la referme. Je me présente devant le comptoir en bois et attends un instant. Un vieil homme émerge de lâarrière boutique dans un rythme lent. Du rythme des collectionneurs expérimentés qui savent que tant quâils gardent lâoeil ils nâont pas besoin de se presser car rien de bon ne leur échappera.
â Madame? Il me fait.
Je dépose la pièce sur son comptoir en verre et la désigne du menton.
â Câest pour un retour.
Dâun geste leste et inattendu il se retourne, prend un torchon quâil pose entre la pièce et le comptoir.
â Vous allez me le rayer! Il me regarde dâun air mi sévère.
â Excusez-moi.
â Vieux modèle, vous avez eu ça où?
â Je ne sais pas, on me lâa donné àma naissance.
Il hoche la tête dâun air pensif.
â Je nâen avais jamais vu de près. Ils ont arrêté la production presque tout de suite, le modèle a rapidement manifesté un défaut irrémissible.
â Je comprends, je lui dis.
Il disparaît dans lâarrière boutique et revient avec un monocle de bijoutier. Il se saisit de la pièce avec appréhension, dépose son monocle sur le comptoir et me désigne le pourtour. Pas besoin dâune vue grossissante, le défaut est plus quâapparent.
â Vous avez laissé la rancoeur sâinstaller, pas bon ça. Très corrosif la rancoeur, vous auriez dû faire attention, en prendre soin.
Jâacquièsce.
â Jâai bien essayé. Jâai appliqué toutes sortes dâhuiles, de baumes, dâonguents, chaque jour, pendant des décennies. Rien àfaire. Il semble que la corrosion vient de lâintérieur.
Le collectionneur revêt son binocle et marmonne quelque chose. En relevant le tête il me lance:
â Il y avait un joyau, làau centre. Où est-il passé?
â Il sâest dématérialisé, je lui réponds.
Il ne dit rien. Il se doute que câest venu du frottement constant de reproches et accusations. Il sait quâil nây a rien de pire pour un joyau.
Il continue son examination, retient son souflle un instant, dans lâexpectative puis expire dâun air déçu.
â La lueur, elle vient de sâéteindre.
Mon estomac se noue.
â Jâai tout fait pour garder la flamme, mais elle baissait. Lâautre jour elle a failli sâéteindre, câest pour ça que je suis venue. Lâautre problème⦠jâhésite puis continue: lâautre problème câest les aiguilles. Elles semblent incapables de se superposer ou de se tourner vers la même direction. Et quand elles se croisentâ¦
Il relève la tête et la secoue doucement.
â Je suis désolé ma pâtite dame, mais pour ce modèle vraiment, on nâa plus les pièces.
Ma gorge se serre.
â Je sais.
â Câest un beau spécimen mais avec toute cette obsolescence programmée, ça aurait dû être pris en main bien plus tôt, peut-être même bien avant que vous ne le receviez. Moi en tous cas je ne peux rien faire.
â Rien?
â Je pourrais peut-être récupérer le souffle.
â Le souffle?
â Oui, tant quâil y a un souffle on peut faire quelque chose, mais pas pour ce modèle, pour autre chose. Construction dâune amitié, création dâun couple, conception dâenfants, ou autre chose. Mais je vous lâai dit je ne peux pas vous dédommager. Et puis elle vous manquerait, elle a tous les attributs dâune pièce de collection.
â Je sais, je hoche la tête au rythme dâun métronome réglé sur des doubles croches. Je sais, câest juste queâ¦
Un bref silence sâinstalle.
â Elle me manque depuis bien longtemps, et ce nâest pas de continuer àla regarder qui va la réparer.
Le collectionneur hoche la tête dâun air bienveillant. Il tend les deux mains et prend la pièce avec soin. Je sais quâil va lâemmener dans son arrière boutique et finaliser ce que la pièce et ses composants ont initié: un démantelage terminal.
Je le remercie dâun sourire et tourne les talons, plus légère. Jâaurais dû venir il y a bien longtemps.
Câest ainsi que ce matin, jâai rendu ma famille.
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Elle va partir. Elle ne peut pas continuer àvivre. Lui non plus. Il ne le mérite pas, il ne la mérite pas, ils ne se méritent pas, ils ne le méritent pas. Laisser deux orphelins est hors de question.
Le scénario se déroule. Si facile, lâarme àdomicile.
Commencer par la plus petite, qui dort si profondément. Seul un souffle sépare cet état de lâautre. Un souffle, de lâair, rien.
Puis lâautre, le plus grand. Il se sera sûrement réveillé, peut-être quâil ne dormait pas. Lâhomme devra faire vite. On retrouvera le fils àterre, dans le couloir boisé. Un cri dâalarme àla bouche, les yeux ouverts, lucide. Il le fixait, lâaccusait de son regard sombre, il nâaura pas le temps de faire plus. Le père lâa fait taire.
Si les deux orphelins ne sont plus, lâhomme ne peut plus reculer, il doit terminer le propos même de son action, le centre de ce qui lâoccupe. Elle.
Les bruits lâont réveillée, alertée, elle est sortie dans le couloir en panique. Elle a juste vu tomber son fils, ne pense pas àla petite, qui dort. Elle hurle.
Lâhomme doit faire vite, il doit viser de loin, un tir distant depuis où le fils est tombé. Depuis làoù lâhomme a tout juste eu le temps de se retourner.
La maison est grande, il avait préalablement fermé toutes les fenêtres, il nây a pas de voisins. Mais il doit faire vite, parce que sâil pense tropâ¦
Il tire et elle tombe, la maison silencieuse prend une couleur rouge aniline. Aniline, C6H5NH2, nil. Au final, ce nâest que de la chimie, quâune couleur.
Cesser de penser, tenter de sâen convaincre, la vie nâest quâune question de chimie, quand la chimie sâen va il faut tout anihiler. Rien ne vaut quand les formules ne tiennent plus.
Il pensait que le métal sur sa tempe serait froid, il est brûlant. Ne pas penser. Ne pas écouter les cris silencieux, la maison, les murs qui suintent. Le rouge, la chimie, la chimie qui sâen va, eux quatre, partis.
Lâhomme, le père repose le revolver dans le coffre du galetas et ferme les yeux sur ce scénario quâil choisira dâexclure. Le revolver dort, pour toujours.
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Câest tendre lâoreille et faire silence pour espérer entendre bruisser les mots alentours. Câest se mettre àson clavier et suer chacun dâeux. Câest se faire surprendre par un jet froid de mots qui débarquent inopinément, en puissance max, se raidir, les considérer dâun air indigné puis se jeter sur son clavier, les attraper au vol, savourer la douche revigorante et en redemander sans que jamais cela ne revienne.
Câest éclater de rire en se relisant, pensant que franchement non il nây a pas moyen. Et publier quand-meme.
Câest se relire la larme àlâÅil, se retourner subrepticement pour sâassurer que personne nous a vus, se donner une petite tape sur lâépaule.
Câest se relire en se disant que jamais au grand jamais on ne serait capable de réécrire ce texte tout en reconnaissant quâil est imparfaitement tissé en purs fils de soi.
Choisir dâécrire câest se faire cueillir au sol par nos personnages et partir en école buissonnière avec eux. Câest explorer des endroits interdits et cachés, écarquiller les yeux, ne pas croire ce quâon voit.
Et câest se retrouver plus bas que terre après avoir plané avec nos protagonistes, le poids de tous ces mots sur les reins.
Câest se dire quâon ne pourra pas le finir, ce truc quâon a commencé. Et dâailleurs mais franchement, quâest-ce qui nous a pris de lâentreprendre, sérieux?!
Câest chaque jour y revenir, en faisant confiance au processus, même quand ça paraît compromis.
Câest un jour le terminer, ce projet, avec tout ce que cela nous offre de légereté ancrée et de pesanteur éthérée.
Câest fermer son cahier et recommencer autre chose.
Choisir dâécrire câest vibrer pour ses personnages, les encourager. Avoir envie de les empaler, de les gommer mais ne pas le faire, de peur quâils ne reviennent, de nuit dans un texte qui nâa rien àvoir, façon Barracuda de lâAgence tous Risques avec un couteau de survie entre les dents, des menottes et une cravache pour nous forcer àécrire .
Câest se rouler dans une piscine de lapins angoras dont les poils sont en musique parlée, lâherbe chatoyante dont ils se repaissent des sensations fraîchement cueillies.
Câest être perturbé par ses textes, leur demander dâoù ils sortent. Devoir parfois les mettre àpied pour souffler après quâils nous ont décroché deux uppercut et un coup de pied en revers, en souriant et sans crier gare.
Câest se dire que ça nous est égal, ces étoiles sur les sites de revue et retourner les compter quand-même.
Câest penser que chaque texte est tout et quâil nâest rien. Tout y mettre et ne rien y mettre.
Et puis choisir dâécrire, ¨câest déjàmettre du noir sur du blanc¨ (S. Mallarmé), chaque jour, parce que câest ce qui nous fait vibrer, ce qui nous fait du bien, ce qui nous rend plus nous, ce qui nous donne un sens.
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