Jâai loupé un délai et câest fâcheux. Câétait un concours où je voulais envoyer mon guide pratique Matérialiste-Minimaliste. Câétait le 15 octobre.
En même temps que câest fâcheux, cela nâa aucune conséquence réelle que celle de mâagacer: personne dans le comité nâattendait mon texte, personne sur la planète àlâexception de quelques membres de ma famille très polis nâattend mon texte, et je ne pensais en aucun cas que mon travail serait retenu.
Et en même temps que cela nâa aucune conséquence réelle, câest fâcheux : ¨depuis quand je ne tiens pas mes délais?¨ je mâétonne.
¨Depuis quand je ne tiens pas mes délais après avoir déjàrepoussé moult fois le délai de sortie du même texte?¨ je pense.
¨Depuis quand je repousse mes délais dâailleurs?¨, je me demande.
Je pourrais me pencher sérieusement sur toutes ces questions, et bien dâautres: est-ce un acte de résistance interne, comme S. Pressfield les a décrits? Est-ce de la malchance? Est-ce un manque dâorganisation? Est-ce le manque dâexpérience? Est-ce la peur? Est-ce un peu de tout cela?
Très franchement je nâen sais rien, et jâai pris le parti de ne pas tenter de répondre àces question, ni de leur prêter attention. Jâai pris le parti de les laisser couler sur mon plumage dâécrivain, que je travaille àfaire pousser en sélectionnant chaque plume, chaque pensée, chaque habitude avec soin.
Mon travail dâécrivain tel que je le conçois nâest pas de savoir si jâaurais dû ou non, si jâaurais pu ou non, si je devrais regretter ou non, si ça aurait été possible en y mettant plus dâheures, plus de structure, plus dâorganisation. Ni dâessayer de comprendre le pourquoi du comment.
Mon travail dâécrivain est de chaque jour me présenter devant ma feuille, blanche ou remplie dâun texte que je vais devoir retravailler jusquâàlâécoeurement.
De chaque jour faire assez de place àla lumière pour que les doutes, les questions sans réponse, les blocages nâaient pas lâoccasion de prendre le devant de la scène.
De ne pas me poser la question de si câest bien avant de me poser celle de si câest juste.
Dâaccepter que de faire de mon mieux est déjàbien, même si je loupe des délais, même si cela me prend tellement plus de temps que je nâaurais pensé, que je nâaurais voulu, même si le texte ne sort pas quand ou comme je pense quâil devrait, même si ¨de mon mieux¨ nâest pas encore synonyme de ¨bien¨.
De ne pas juger mon travail avant dâavoir aposé mon point final, pour laisser une chance àce qui est déjàlàdâéclore sur le papier.
Câest dâaccepter que ce que mon conscient et ma logique veulent ou ne veulent pas nâa pas de réelle place dans ce négoce.
Câest dâaccepter de maîtriser tout ce que je met dans mon écriture mais pas ce qui en ressort ni réellement quand, de choisir chacune de mes plumes avec soin sans avoir de certitude quant au résultat final.
Et câest de une fois terminé, le libérer et le laisser vivre sa vie, àce texte.
Parce quâêtre écrivain, ce nâest pas juste écrire.
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Crédit dâimage: David Clode on Unsplash