Une instruction donnée par notre coach d'écriture il y a un peu plus de deux ans: écrivez un guide pratique.
Plus de trois cents heures de travail; trois faux départs, au moins autant de fausses arrivées; deux concours prévus de manqués.
Une première version à13'000 mots, augmentée jusqu'à80'000, pour se stabiliser à50'000 et des poussières, après un dernier passage ces jours qui l'a allégée de 8.5%
Des dizaines de petites voix inconnues de réveillées: mauvaises, négatives , hideuses et décourageantes qui changeaient de ton et d'arguments suivant la phase et l'avancement du projet.
Une métamorphose de: guide pratique à: mi récit épistolaire mi guide pratique.
Une lutte au corps àcorps avec Scrivener, avec Word et avec le créateur de couvertures KDP entre hier et aujourd'hui.
Et puis plus rien.
Pas de feux d'artifices, pas de fanfares, pas de champagne, pas de fin d'un compte àrebours.
C'est sur la pointe des pieds que mon livre "Matérialiste-minimaliste, vers la meilleure version de vous-même grâce àvos objets" s'en est allé ce matin, vivre sa vie sur la plate-forme Amazon. Je la lui souhaite intéressante.
C'est le cÅur léger que je m'envole de mon côté vers d'autres contrées, d'autres projets.
***
Pour rejoindre mon Club de lecteurs.
***
Jâai loupé un délai et câest fâcheux. Câétait un concours où je voulais envoyer mon guide pratique Matérialiste-Minimaliste. Câétait le 15 octobre.
En même temps que câest fâcheux, cela nâa aucune conséquence réelle que celle de mâagacer: personne dans le comité nâattendait mon texte, personne sur la planète àlâexception de quelques membres de ma famille très polis nâattend mon texte, et je ne pensais en aucun cas que mon travail serait retenu.
Et en même temps que cela nâa aucune conséquence réelle, câest fâcheux : ¨depuis quand je ne tiens pas mes délais?¨ je mâétonne.
¨Depuis quand je ne tiens pas mes délais après avoir déjàrepoussé moult fois le délai de sortie du même texte?¨ je pense.
¨Depuis quand je repousse mes délais dâailleurs?¨, je me demande.
Je pourrais me pencher sérieusement sur toutes ces questions, et bien dâautres: est-ce un acte de résistance interne, comme S. Pressfield les a décrits? Est-ce de la malchance? Est-ce un manque dâorganisation? Est-ce le manque dâexpérience? Est-ce la peur? Est-ce un peu de tout cela?
Très franchement je nâen sais rien, et jâai pris le parti de ne pas tenter de répondre àces question, ni de leur prêter attention. Jâai pris le parti de les laisser couler sur mon plumage dâécrivain, que je travaille àfaire pousser en sélectionnant chaque plume, chaque pensée, chaque habitude avec soin.
Mon travail dâécrivain tel que je le conçois nâest pas de savoir si jâaurais dû ou non, si jâaurais pu ou non, si je devrais regretter ou non, si ça aurait été possible en y mettant plus dâheures, plus de structure, plus dâorganisation. Ni dâessayer de comprendre le pourquoi du comment.
Mon travail dâécrivain est de chaque jour me présenter devant ma feuille, blanche ou remplie dâun texte que je vais devoir retravailler jusquâàlâécoeurement.
De chaque jour faire assez de place àla lumière pour que les doutes, les questions sans réponse, les blocages nâaient pas lâoccasion de prendre le devant de la scène.
De ne pas me poser la question de si câest bien avant de me poser celle de si câest juste.
Dâaccepter que de faire de mon mieux est déjàbien, même si je loupe des délais, même si cela me prend tellement plus de temps que je nâaurais pensé, que je nâaurais voulu, même si le texte ne sort pas quand ou comme je pense quâil devrait, même si ¨de mon mieux¨ nâest pas encore synonyme de ¨bien¨.
De ne pas juger mon travail avant dâavoir aposé mon point final, pour laisser une chance àce qui est déjàlàdâéclore sur le papier.
Câest dâaccepter que ce que mon conscient et ma logique veulent ou ne veulent pas nâa pas de réelle place dans ce négoce.
Câest dâaccepter de maîtriser tout ce que je met dans mon écriture mais pas ce qui en ressort ni réellement quand, de choisir chacune de mes plumes avec soin sans avoir de certitude quant au résultat final.
Et câest de une fois terminé, le libérer et le laisser vivre sa vie, àce texte.
Parce quâêtre écrivain, ce nâest pas juste écrire.
***
Pour rejoindre mon Club de lecteurs.
***
Crédit dâimage: David Clode on Unsplash
Le temps est une notion intéressante, parfois un peu perturbante si on y pense.
Avoir le temps.
Perdre son temps.
Il faut laisser le temps au temps
Le temps ne passe pas.
Je nâai pas vu le temps passer.
Je nâai pas eu le temps.
Chronos, Kairos.
Le temps sâest arrêté.
Le temps file. Il passe trop vite.
Trouver le temps long.
Ne pas être maître de son temps.
Quand on travaille en entreprise, ou disons dans une structure donnée, suivant le travail effectué, on peut parfois avoir lâimpression dâêtre les maîtres du temps. Et parfois dâen être une victime.
On peut avoir lâimpression dâavoir passé sa journée àêtre interrompus, àavoir dû traiter des choses imprévues, et de nâavoir réellement rien fait.
à contrario, on peut se donner lâillusion de rajouter des heures àla journée, en traitant ses emails après ou avant les heures de travail, où le temps vole et la productivité aussi.
Le sommeil en pâtit parfois, ou la vie privée, mais souvent câest égal, on quitte le travail avec un sentiment de profond contentement. Moins dâemails nous attendront jusquâau lendemain, on est plus tranquilles. Pour moi, ça marchait àchaque fois.
Et puis quand on écrit, mais que personne nâattend vraiment rien de nous, la notion du temps change.
Les journées dâécriture sont plus longues, tout en étant très courtes. Elles sont plus calmes tout en étant une sorte de grand huit émotionnel. Elles sont passées en solitaire et pas du tout.
On se lève avec une idée en tête, en tout cas moi, nâayant perdu pratiquement aucun des réflexes dâune bonne employée qui se veut productive : aujourdâhui, jâécrirai pendant x heures sur tel projet puis x heures sur tel autre.
On sây met, et puis non, cela ne se passe pas du tout comme prévu. Même si on reste lâarrière-train vissé àsa chaise toute la journée.
Parce que celle qui mène la danse, ce nâest pas nous, câest lâhistoire. Si on la brusque, quâon tente de la gaver de plus de mots quâelle ne peut accepter pour le moment, on risque de se perdre, de la perdre. Elle risque de disparaître subrepticement en nous faisant la nique. Non merci ici on nâest pas àlâusine, je reviendrai quand tu seras calmée.
Et puis il y a les jours où on nâa pas dâidées, on pense que cela va être compliqué dâécrire même trois mots et soudain lâhistoire se délie, se fait sous nos yeux ébahis alors quâon se concentre pour pouvoir la suivre. Les mots et les minutes sâalignent dâeux-mêmes.
Câest très déconcertant, cet exercice de pousser juste assez, mais pas trop, de laisser faire juste assez, mais pas trop. Un bel exercice dâéquilibre.
Ce matin, comme tous les matins depuis des semaines, mon histoire prend son temps, elle se dandine. Elle me lance des indices, quelques scènes, quelques images que je mâévertue àdécrire, àécrire puis elle se retire pour la journée en bâillant.
Je veux la retenir, je veux trouver un truc, comme quand jâétais en entreprise et que je pensais â pour quelques heures â être le maître du temps. Un truc qui me donne lâimpression que jâai tout en main, que je maîtrise.
Ce matin en la regardant prendre congé pour la journée, je me prends àsourire. Cela ne sert àrien de pester, de supplier, de sâénerver ou de sâattrister, je le sais jâai tout essayé. Je ne peux quel la remercier pour la visite et espérer la revoir demain.
Le rythme ce nâest pas moi qui en décide. Jâai une marge de manÅuvre, certes, et je suis la seule àpouvoir décider de me poser sur ma chaise et devant mon écran. Mais au-delàde ça, je ne fais quâapprendre, tenter de comprendre, prendre au vol, recevoir et exercer. La patience, mon endurance, mon lien avec les histoires, les personnages, les scènes, ma capacité àpasser dâun projet àlâautre quand lâun dâeux décide de me laisser en plan pour la journée parce quâil mâen a assez dit. Et ma capacité àlaisser partir, àécouter le chuchotement qui dit que pour lâinstant câest tout ce quâil y a àvoir sur le sujet.
Et puis si je suis honnête, rajouter du temps aux journées ne faisait illusion que pendant quelques heures dans la soirée avant dâarriver au travail le lendemain matin en réalisant que le ping-pong dâemails sâétait enflammé dans ma boîte malgré tout.
Jâapprends donc àlaisser partir mon histoire pour lui permettre de se faire une beauté, àme réjouir de la retrouver, et en attendant quâelle revienne, jâécris un billet de blogâ¦
Crédit dâimage: Fabrizio Verrecchia sur Unsplash
Je viens de rentrer de ce qui sâappelle ici àLondres un Pop Up Challenge. Lâidée est de tenir boutique pendant une durée limitée, en lâoccurrence deux jours, et de vendre des produits inventés, créés et griffés pour lâoccasion. Lâéquipe gagnante est celle qui vend le plus et a la plus grande présence sur les médias sociaux.
Ce Défi Pop Up a commencé pour nous tous, une cinquantaine de personnes se connaissant très modérément, il y a dix jours. Cinq équipes dâenviron dix personnes ont ainsi reçu les consignes, 200GBP, lâinstruction de désigner un chef de projet et un mot de bonne chance pour ce défi qui allait durer dix jours. Notre groupe a eu la bonne fortune de voir fissa un de ses membres se proposer, ou dois-je dire sâauto déclarer Grand Manitou alias chef de projet Pop Up. Un jeune homme àla pointe du GSD (Get Stuff Done comme on dit ici, ce qui signifie une capacité dâexécution hors norme), entrepreneur et propriétaire dâun café-restaurant, une personne sympathique au demeurant. Etant donné lâentrain et le pedigree du nouvel Amiral, le groupe a considéré la question comme réglée de façon satisfaisante et personne nâa objecté. Nous avions dix jours, dix personnes et 200GBP pour créer notre concept, nos produits, notre marque, notre présence sur les médias sociaux et se préparer àvendre tout cela dans une boutique près de Covent Garden pendant les deux derniers jours du défi.
Il sâensuit un enchaînement dâépisodes tant frustrants quâimproductifs pour toute lâéquipe. Du manque de délégation, clarté des rôles, décisions tranchées, entrain et engagement des membres àla disparition soudaine de deux membres de lâéquipe, en passant par un investissementâââdevrais-je dire perteâââde temps considérable et aucunement reflété dans les produits finis.
De retour du deuxième et dernier jour de ventes et àlâaboutissement du Défi Pop Up, jâai remercié ciel et terre que ce calvaire nâait duré que dix jours. Non sans mâêtre engoncée un peu plus dans ma décision de ne pas retourner travailler dans une corporation pour les mois (années?) àvenir, jâai tenté de comprendre pourquoi cela avait si mal tourné, fait dâautant plus singulier que tous les membres de lâéquipe sont intelligents, capables, volontaires, que chacun de nous a désiré participer au Défi et que le chef de projet, tout auto désigné quâil était, est un entrepreneur fécond, sympathique, particulièrement serviable et productif.
Après enquête, ma réponse àla question ¨Qui a tué le mojo de lâéquipe? ¨ est: le Grand Manitou, àcoups de micro délégation et de traitement des membres de lâéquipe comme sâils étaient une extension de lui-même. Lâéquipe a donné du fil a retordre, je le conçois, mais je pense que la nonchalance du Colonel Moutarde, le désengagement de Madame Leblanc, la disparition soudaine et non annoncée de Mademoiselle Rose, celle annoncée et tardive de Madame Pervenche, la mauvaise humeur du Docteur Lenoir, le manque de suivi du Révérend Olive auraient tous puâââdûâââêtre évités ou contenus. Je gage par ailleurs que le crime sâest fait sans préméditation aucune et sans mobile.
Après avoir résolu lâénigme, je me suis rappelé avoir vu et vécu ce scénario àgogo durant ma décennie en entreprise. Ces dix jours ont constitué un cycle accéléré de mes observations antérieures et ont marqué la naissance de ma théorie officielle sur la gestion et les super-héros.
Les chefs/gestionnaires/managers ont parfois une trempe de super-héro. Le Grand Manitou en est un exemple modèle: capacité dâexécution hors norme, volonté et aptitude àdélivrer des résultats au-delàdu commun, résistance au stress/manque de sommeil/adversité bien au-dessus de ce àquoi le commun des mortels peut aspirer, ainsi quâun esprit de sacrifice sans limites ou presque. Les surhommes et sur-femmes que jâai côtoyé en entreprise étaient àun moment donné contributeur individuel, comme on dit dans le jargon. Puisquâils délivraient dâexcellents résultats et étaient serviables, volontaires et sympathiques, ils se sont rapidement retrouvés àla tête dâindividus, dâéquipes, de projets. Câest làoù le bât blesse car la combinaison jusquâici gagnante perd cruellement du galon quand on doit gérer dâautres personnes. Le passage de lâexécution rapide et sans faute àla coordination, support, encouragement, cadrage de lâéquipe ne se fait pas dâelle même avec lâavènement du nouveau titre et salaire et câest malheureux.
Après un début souvent rosé, dysfonction, frustration et fatigue sâintroduisent subrepticement et progressivement dans lâéquipe. La pression augmente dâautant plus vite que Chef est incapable de clarifier ce quâil attend et que les résultats ne sont pas ce quâil ou elle attend. Celui-ci ne comprend par ailleurs pas pourquoi les membres de son équipe sont si lents, imparfaits, sensibles et pourquoi diable ils ne peuvent pas juste bien faire les choses par eux-mêmes. ¨Si cela ne tenait quâàmoi le travail serait déjàfait, et bien fait¨. Câest justement làle problème: cela ne tient pas, ou du moins plus, quâàeux seuls.
Pendant ce temps lâéquipe a beau essayer, rien ne sera jamais aussi parfait et bien exécuté que le travail du chef. Les membres, stressés et culpabilisés de ne pas être àla hauteur redoublent dâeffort. Lâépuisement guette mais pas les résultats. Les tentatives se font plus rares, le moral des troupes est affecté, les membres sont épuisés, certains se désengagent. Le chef colmate les brèches et absorbe le travail de deux àtrois personnes de constitution normale, ce qui ne manque pas dâattirer admiration et découragement chez les membres de lâéquipe. Le chef sâépuise, les troupes aussi et malgré la meilleure volonté de chacun, le résultat est désastreux.
Lâimportance du lâcher prise prend soudain tout son sens: gérer une équipe câest renoncer àses canons de perfection, accepter et accueillir les autres, leurs compétences, limites et travail tels quâils se présentent et se concentrer sur lâamélioration, pas àpas, de chacun àpartir de ce quâil est déjà. Breathe in, and let it go comme ils disent au yoga.
Let it go câest ce que je fais comme je termine ce Défi Pop Up, un thé dans une main qui il y a quelque jours encore coupait des bouteilles de verre vide pour fabriquer vases et bougies (WTF) sous lâoeil intransigeant du Manitou. Jâaime les super-héros comme beaucoup dâautres, dans les BD et au cinéma. Ceux qui sévissent en entreprise mâennuient profondément. Le cÅur léger de pouvoir les éviter encore quelques temps jâinspire et commence une nouvelle partie de Cluedo.
Crédit d'image: Porapak Apichodilok sur Pexels
En décembre 2017, ce billet de blog s'est fait la malle et a élu domicile dans mon livre ¨Patchwork, un cheminement pavé de texte¨, où vous pourrez le retrouver et le lire.